29/03/2024
DE LA DISPARITION DES PSYCHOLOGUES (CLINICIENS) Raoult P.A.
ET/OU LA SERVITUDE VOLONTAIRE AU MEDICAL
Dès 2002, je pointais dans un livre polémique l’orientation vers une déqualification, un effacement de la fonction clinique et de « soins psychiques » des psychologues au profit d’une conception rééducative et d’une médicalisation de la souffrance psychique sous le terme de santé mentale. Cet axe politique, prévisible, s’est renforcé ces dernières années.
Les textes législatifs de 2014 marquaient un point de bascule en confiant un rôle pivot au médecin généraliste dans la prise en charge, en particulier, des troubles dits dépressifs et laissant une part non négligeable aux psychiatres.
J’alertais au travers de divers articles, analyses et livres, reprenant en particulier au début des années 2020 les rapports et dispositifs que le gouvernement, le ministère de la santé, la CNAM et les instances diverses assénaient. J’ai rappelé l’alliance structurale entre le pouvoir politique et le pouvoir médical faisant inexister les psychologues.
Je notais aussi que, depuis les années 1950, les psychiatres non jamais dérogés d’une ligne de conduite assimilant les psychologues à des auxiliaires médicaux. S’il y a eu un semblant de reconnaissance dans les années 1980, principalement par la place qu’occupait la psychanalyse, cela n’a été qu’un leurre dont le voile est tombé avec la montée en puissance des neurosciences et des théories comportementalistes assignant le psychologue à une fonction de technicien auxiliaire du médical dans le projet Santé mentale.
J’ai relevé l’inconsistance des organisations professionnelles dans la défense pertinente de la profession malgré des affirmations péremptoires et des rotomondates (propos fallacieux, vaniteux, parfois insolent, visant à impressionner ou faire croire) pour accroître leur audience et de fait leurs finances. J’ai tenté de soutenir d’autres orientations politiques que celles que tenaient et tiennent toujours la très grande majorité de ces organisations. J’ai souligné leur absence foncière de représentativité de celles-ci quelque soit le titre dont elles pouvaient s’affubler. Elles ne sont à ce titre que des groupuscules qui essayent de capter un auditoire désorienté.
J’ai martelé la défiance à l’encontre des organisations de psychiatres malgré quelques ententes très ponctuelles. Encore récemment, j’ai relevé dans un communiqué de la SFPEADA, Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, combien l’assignation faite aux psychologues étaient mise en équivalence avec les IPA, infirmiers en pratique avancée, désignant leurs places d’auxiliaires médicaux. Et des membres de SFP, société française de psychiatrie, sont beaucoup plus explicites dans leurs propos.
J’ai noté la soumission, la servitude volontaire de nombre de psychologues à l’égard de la corporation des psychiatres par complaisance, compliance, attente de reconnaissance, recherche d’avantages ou de promotions, etc. J’ai dénoncé, depuis longtemps, les communiqués communs faits sans réflexion ou la participation à des colloques partagés (en dehors des problématiques théoriques ou psychopathologiques) sur les orientations de la prise en charge de la souffrance psychique. Cela n’aboutissait qu’à une logique d’asservissement et d’assentiment des psychologues.
Soyons bien clair je n’ai aucune hostilité avec les psychiatres, et j’ai pu travailler en très bonne intelligence avec nombre d’entre eux, je me situe bien au plan des luttes territoriales professionnelles et statutaires ainsi qu’au niveau des tactiques des organisations.
Cela n’a guère changé et l’on voit bien des organisations se précipiter dans le lit de la psychiatrie en cette place instrumentalisée, et pire encore, y convier leurs collègues. Forme d’invitation à un masochisme collectif au prétexte d’un réalisme de la collaboration, en l’attente de gratifications personnelles. Les tactiques d’alliances affichées avec des organisations de psychiatres n’est pas un travail de partenariat c’est un affichage publicitaire pour obtenir une plus-value de légitimation. Une action purement commerciale visant à tromper le chaland.
Le travail de négociation et de partenariat avec les organisations de psychiatres et de médecins n’a jamais été réalisé par les organisations de psychologues.
Tout psychologue qui se respecte n’a pas lieu, en l’état, de participer aux agapes de la psychiatrie sous la seule tutelle réelle des organisations de psychiatres. Et surtout pas au nom d’une organisation de psychologues.