21/05/2025
Un jour, au cœur de l’automne, un vent puissant traversa la forêt. Le ciel se couvrit de nuages sombres, et les feuilles s’élancèrent dans une danse f***e, emportées dans un tourbillon indompté. Au milieu de cette tempête, un corbeau, survolant les champs, heurta violemment la branche noueuse d’un vieux chêne. Dans un croassement étouffé, il s’écrasa au sol, l’une de ses ailes pendante, brisée.
Le corbeau tenta de se relever, d’ouvrir ses plumes, mais une douleur aiguë lui transperça le corps. Il comprit qu’il n’y arriverait pas seul. Alors, il leva les yeux vers le ciel, là où les oiseaux tournaient encore en cercles, et lança un appel empreint d’espoir :
— À l’aide… je ne peux plus voler…
Une pie, qui passait par là, le vit et ricana :
— Toi, l’orgueilleux, qui volais si haut et nous regardais de haut… Et maintenant, tu demandes de l’aide ?
Un merle, un chardonneret, même un geai volaient derrière elle. Aucun ne s’arrêta. Leurs regards fuyants portaient l’ombre du mépris ou l’indifférence.
Le corbeau baissa la tête. Seul, affamé, blessé, il sentit la foi l’abandonner peu à peu.
Mais soudain, d’un buisson proche, une voix douce, ténue, s’éleva :
— Je t’aiderai… si tu n’as pas peur de ma petite force.
C’était un moineau. Petit, discret, gris comme l’écorce d’un arbre. Il sautilla jusqu’à lui, tenant dans son bec une miette de pain dur. Puis il revint, portant une goutte d’eau, un abri de feuilles sèches, et construisit un nid au pied de l’arbre.
— Pourquoi fais-tu cela ? murmura le corbeau, surpris.
— Parce que tu es vivant. Et que si j’étais tombé, moi aussi, j’aimerais que quelqu’un ne détourne pas les yeux.
Les jours passèrent. Le corbeau, d’abord incapable du moindre mouvement, fut veillé, nourri, réchauffé par le petit oiseau. Le moineau partageait ses miettes, lui racontait la vie de la forêt, veillait sur lui les nuits glacées. Et quand, enfin, le corbeau put à nouveau déployer ses ailes, sa première pensée ne fut pas pour lui-même, mais pour son petit compagnon devenu plus cher que tous les autres.
Le printemps arriva dans un jaillissement de lumière et de chants. Mais un matin, alors que le moineau picorait des graines dans la clairière, un faucon surgit des buissons. Tout alla très vite — le moineau n’eut même pas le temps de piailler.
Mais soudain, une ombre noire fendit le ciel. Le corbeau, puissant et superbe, fondit sur le prédateur. Ses ailes claquèrent avec une telle force que l’air siffla. Il heurta le faucon de plein fouet et le fit fuir.
— Tu m’as sauvé… souffla le moineau.
— Non, c’est toi qui m’as sauvé le premier, répondit le corbeau. Et aujourd’hui je sais que la bonté ne se mesure pas à l’envergure d’une aile. Et qu’un cœur immense peut battre dans la plus petite des poitrines.
Morale :
Ne méprise jamais ceux qui semblent plus faibles que toi. Parfois, ceux que l’on croit insignifiants deviennent nos piliers. Et la bonté offerte sans rien attendre en retour revient toujours — au moment où l’on s’y attend le moins, mais où l’on en a le plus besoin.
Le monde littéraire