
20/08/2024
𝐃𝐞 𝐥𝐚 𝐭𝐫𝐚𝐯𝐞𝐫𝐬𝐞́𝐞 𝐝𝐮 𝐝𝐞𝐮𝐢𝐥
Des coups de poignard au cœur. L’impression que l’on nous arrache un membre. Le cœur à vif. Les larmes prêtes à couler à chaque instant. Des vagues qui nous submergent sans relâche, jusqu’à un certain apaisement.
𝘾𝙚𝙩𝙩𝙚 𝙥𝙧𝙚𝙢𝙞𝙚̀𝙧𝙚 𝙫𝙖𝙜𝙪𝙚. Le choc. Le réel qui nous frappe sans ménagement. L’autre n’est plus. En un instant, un dernier souffle, un dernier regard, une dernière image, un dernier toucher. L’autre n’est plus. Et rien n’est plus pareil. L’éternité se déroule devant nous. Quoiqu’il se passe à présent, cette vérité sera intangible. L’autre n’est plus. Son absence, le manque, l’impuissance, quoique que l’on fasse, le réel a frappé et nous nous retrouvons démunis, silencieux. L’immensité de cette nouvelle nous dépasse. Non, ce n’est pas possible. Cela n’a pas pu se passer. Cela ne peut pas être. 𝗟𝗲 𝗰𝗵𝗼𝗰.. Première phase du chemin d’intégration, de cette traversée du deuil - du latin dolus = douleur.
𝙐𝙣𝙚 𝙖𝙪𝙩𝙧𝙚 𝙫𝙖𝙜𝙪𝙚. La tristesse. Ou le désespoir, selon la proximité que nous partagions avec cet autre. D’autant plus immense et renversant que l’étaient l’intimité, l’affection et l’amour que nous inspirait et nous prodiguait cette âme à présent partie, lointaine, inaccessible. Un 𝗱𝗲́𝗰𝗵𝗶𝗿𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 psychique et émotionnel, une part de nous qui nous est arrachée, de manière vive ou lente, mais dans tous les cas irrémédiable. Comment faire sans lui, sans elle ? Quel goût aura la vie si ce n’est insipide ? Quel sens ?
𝘼𝙪𝙩𝙧𝙚 𝙫𝙖𝙜𝙪𝙚. La colère. Pourquoi ? Pourquoi lui, pourquoi elle, pourquoi comme ça ? Cette vague sera d’autant plus haute et puissante que la mort nous paraîtra abrupte, choquante, injuste, incompréhensible. 𝗧𝗿𝗼𝗽 tôt, 𝘁𝗿𝗼𝗽 vite, 𝘁𝗿𝗼𝗽 fort. La colère est à la hauteur de notre incapacité à en saisir le sens. La vie, la mort, la maladie, les accidents, le temps, l’espace. Le réel s’abat et nous n’y comprenons rien. De quel droit nous mettre dans cette situation ? Face à cette peine ? Dans ces conditions de conscience de notre mortalité, sans aucun moyen d’y faire face ? A quoi bon ?
𝘼𝙪𝙩𝙧𝙚 𝙫𝙖𝙜𝙪𝙚. Le marchandage. Si seulement, je n’avais pas fait ça peut-être que… Et s’il n’était pas sorti ce soir là peut-être que… Si seulement je l’avais appelé comme je remettais depuis un certain temps peut-être que… Et si j’avais su… 𝗘𝘁 𝘀𝗶… 𝗘𝘁 𝘀𝗶… Colère. Incompréhension. Impuissance. Encore un soir, encore une heure… Nous nous accrochons au passé, tentons d’en renégocier les termes, d’en comprendre le dessein. Nous appelons l’intellect à la rescousse, la science ou la spiritualité, comprendre, faire sens.
Chacune de ces vagues peut nous 𝗯𝗹𝗼𝗾𝘂𝗲𝗿 à leur endroit : rester dans le 𝗱𝗲́𝗻𝗶 suite au choc, esquiver la tristesse par la 𝗳𝘂𝗶𝘁𝗲 (géographique, dans le travail, les activités ou encore la recherche insatiable de plaisir), ruminer la colère en adoptant des attitudes agressives ou des comportements à risques (pour soi comme pour les autres), 𝘀’𝗮𝗰𝗰𝗿𝗼𝗰𝗵𝗲𝗿 au passé et alimenter la dépression qu’entraîne la perte de cet être cher, comme pour arrêter le temps, pour ne pas oublier.
Et puis.
𝗣𝗹𝘂𝘀 𝗱𝗲 𝘃𝗮𝗴𝘂𝗲𝘀. Le 𝐜𝐚𝐥𝐦𝐞 plat ou presque. Le vide. Le silence. Les larmes reviennent toujours au fur et à mesure que les souvenirs remontent. Ce manque. Sa voix ne résonnera plus au téléphone ni dans la maison. Son numéro ne s’affichera plus. Ses réseaux sociaux resteront en suspens. Son sourire. Son énergie. Ses tics de langage. Ses attitudes. Son odeur. Sa peau. Ses envies. Ses projets. Ses vêtements. L’idée que je me faisais de la vie quand il, elle était là. Tout ça n’est plus et ne pourra plus jamais être. Effondrement. Intérieur. En silence. 𝗜𝗺𝗽𝗹𝗼𝘀𝗶𝗼𝗻.
Le réel est toujours là. Le quotidien réclame son dû. Automatismes. Façade. Le corps bouge, l’esprit réfléchit mais le cœur pleure, l’âme se pose. Temps d’arrêt. Temps de digestion. Temps d’intégration. Temps de recueil et d’humilité. 𝗔𝗶𝗻𝘀𝗶 𝘃𝗮 la Vie, indissociable de la Mort, de notre temps sous cette forme et sur cette Terre, avec toutes ces questions sans réponse, que l’on tente pourtant sans relâche de résoudre, d’expliquer, de maîtriser, pour combler notre angoisse et recouvrir nos p(l)eurs.
𝗜𝗻𝘁𝗲́𝗴𝗿𝗲𝗿. Avec du temps, de la douceur, beaucoup de patience et de cœur. Dans la sécurité d’une écoute fine ou d’une épaule sur laquelle se reposer. Le temps de ressentir, de reconstruire, de réaliser.
𝗧𝗿𝗮𝘃𝗲𝗿𝘀𝗲𝗿 un deuil nous emmène plus loin, dans la compréhension de notre être, dans la complexité et le paradoxe de nos vécus et de nos émotions, dans la flexibilité et la souplesse de notre esprit.
Jusqu’à ce que la tempête se calme, ce moment où la tête se relève bien que nos genoux sont encore à terre. C’est arrivé. 𝗢𝘂𝗶. Il peut y avoir un 𝗮𝗽𝗿𝗲̀𝘀, différent, à dessiner, à construire. Je n’en ai pas envie, je ne sais pas comment, mais l’espace, le vide qui s’est invité en moi, qui m’a tant fait mal mais que j’ai exploré, vécu, transcendé, peut laisser place à autre chose. Une possibilité. Un déclic. Une lueur qui perce les nuages.
𝗨𝗻 𝗻𝗼𝘂𝘃𝗲𝗮𝘂 𝗰𝗵𝗮𝗽𝗶𝘁𝗿𝗲 peut alors s’écrire. Un nouveau Soi. Plus résilient, plus profond, plus authentique. 𝗙𝗼𝗿𝘁 de cette traversée de la douleur, de cette tempête, qui secoue, réveille et transforme, nous avons repoussé nos limites, visité nos zones de retranchements, puisé dans nos ressources et peut-être en avons-nous découvert de nouvelles, plus porteuses, plus éclairantes. Qu’est-ce que cet autre nous a légué ? Quel héritage puis-je continuer à faire vivre afin de m’enrichir et enrichir le monde ?
Ces pas-sages se font en 𝘁𝗲𝗺𝗽𝘀 𝘃𝗼𝘂𝗹𝘂, au 𝗿𝘆𝘁𝗵𝗺𝗲 de chacun. Les vagues ne se ressemblent pas et nous sont propres. Selon notre histoire, notre vécu, notre sensibilité.
Un mot d’ordre : écouter, accompagner, soutenir, mais laisser agir la transformation et l’évolution de l’être, ces 𝙥𝙚́𝙥𝙞𝙩𝙚𝙨 que l’on récolte sur le chemin, au terme de l’effort.
Pᴏᴜʀ ᴀʟʟᴇʀ ᴘʟᴜs ʟᴏɪɴ :
𝑆𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝐶ℎ𝑎𝑔𝑟𝑖𝑛 𝑒𝑡 𝑙𝑒 𝐷𝑒𝑢𝑖𝑙, Elizabeth Kübler-Ross
𝑉𝑖𝑣𝑟𝑒 𝑙𝑒 𝐷𝑒𝑢𝑖𝑙 𝑎𝑢 𝑗𝑜𝑢𝑟 𝑙𝑒 𝑗𝑜𝑢𝑟, Dr Christophe Fauré
𝐴𝑝𝑝𝑟𝑖𝑣𝑜𝑖𝑠𝑒𝑟 𝑙𝑎 𝑚𝑜𝑟𝑡, Marie-Frédérique Bacqué
𝐿𝑎 𝑚𝑜𝑟𝑡 𝑒𝑥𝑝𝑙𝑖𝑞𝑢𝑒́𝑒 𝑎𝑢𝑥 𝑒𝑛𝑓𝑎𝑛𝑡𝑠, Dr Jean-Jacques Charbonnier
𝐿𝑎 𝑚𝑜𝑟𝑡 𝑖𝑛𝑡𝑖𝑚𝑒, Marie de Hennezel
Podcast « 𝑇𝑟𝑎𝑣𝑒𝑟𝑠𝑒 » Une Histoire Intime - France Inter par Maïa Mazaurette