18/09/2025
Nouvelle lettre de Jean Pélissier, Praticien en Médecine Traditionnelle Chinoise.
Cher(e)s ami(e)s,
Cette rentrée ne ressemble pas tout à fait aux autres.
Le rythme s’accélère, les repères changent, et beaucoup ressentent déjà comme un vent de turbulences autour d’eux. Dans ce monde où tout bouge si vite, il est facile de perdre pied ou de se sentir balloté par les événements.
Et pourtant… au cœur de ce mouvement, il existe une énergie puissante : notre capacité d’adaptation.
En médecine traditionnelle chinoise, cette faculté est directement liée à l’état de notre batterie des Reins. Plus elle est rechargée, plus nous avons l’énergie vitale pour accueillir les changements sans être brisés par eux.
C’est pourquoi il est plus que jamais fondamental de nourrir cette batterie au quotidien, grâce aux méthodes de Yang Sheng Fa : respiration consciente, mouvements doux, alimentation adaptée, repos, et écoute de soi. Autant de pratiques qui rechargent nos ressources profondes et nous aident à rester souples et ancrés, même quand l’extérieur nous bouscule.
➡️ C’est le sens de mon nouvel « Éloge de l'adaptation ».
J’espère que ce partage vous aidera à traverser cette rentrée un peu mouvementée, avec plus de clarté, de souplesse et de sérénité. Car, souvent, ce qui semble nous déstabiliser devient une occasion de grandir et d’élargir notre horizon.
Avec toute mon amitié,
Jean Pélissier
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
ÉLOGE DE L'ADAPTATION
« La vie est un mouvement, un passage, une transformation permanente. Rien n’est figé, tout est appel à la métamorphose. »
François Cheng, Cinq méditations sur la beauté
Ainsi s’exprime François Cheng, dans cette vision poétique du monde.
Il nous rappelle que rien n’est stable, que la fixité est une illusion, et que c’est dans la capacité à se transformer, à embrasser l’impermanence, que réside le véritable élan de vie.
Tout change, tout évolue, tout se transforme.
Le monde est un grand fleuve en perpétuel mouvement. Celui qui cherche à résister à son courant, à maintenir une rive stable alors que l’eau file, finira tôt ou t**d emporté par les flots.
Celui qui accepte de plier, de modifier son cap, d’écouter le rythme profond du vivant, celui-là traverse.
L’adaptation n’est pas une faiblesse. Elle est au contraire une force d’une puissance inouïe.
En médecine traditionnelle chinoise, cette capacité d’adaptation est intimement liée à l’énergie des Reins, notre batterie de vie, ce réservoir profond de ressources, à la fois physiques, mentales et spirituelles. Plus cette batterie est chargée, plus nous pouvons faire face, absorber les chocs, nous repositionner sans perdre l’essence de ce que nous sommes.
S’adapter, ce n’est pas renier qui l’on est.
C’est réajuster notre manière d’être au monde, de le lire, de l’accompagner.
C’est l’art du marin qui, tout en gardant son cap intérieur, sait jouer avec les vents contraires, moduler sa voile, écouter les courants.
C’est l’attitude du bambou, souple et enraciné, qui accepte de plier dans la tempête mais ne se rompt jamais.
Dans le taoïsme, on dit que l’homme sage ne lutte pas contre la réalité. Il ne s’y abandonne pas non plus. Il danse avec elle.
L’adaptation, dans cette optique, n’est pas une concession. C’est une sagesse profonde, celle qui fait du vivant un partenaire plutôt qu’un adversaire.
Regardons autour de nous : les métiers d’antan disparaissent peu à peu.
Qui aujourd’hui fabrique encore des sabots de bois, tresse des nasses pour la pêche ou entretient des moulins à vent ?
L’arrivée du moteur a supplanté le cheval, la machine à écrire s’est effacée devant les claviers numériques, et aujourd’hui l’intelligence artificielle semble remplacer certaines fonctions humaines autrefois réputées irremplaçables.
Mais à chaque disparition correspond une naissance.
Des métiers surgissent que nos grands-parents n’auraient jamais pu imaginer.
Des vocations émergent autour du soin, du lien, du numérique, de l’écologie, des pratiques énergétiques et spirituelles...
Ce que le monde d’hier considère comme marginal devient parfois le socle du monde de demain.
Il serait vain de vouloir figer le monde.
L’arbre qui ne plie pas à la tempête se brise. Le roseau, lui, plie… mais ne rompt pas. Et dans ce pli se trouve peut-être la véritable dignité.
S’adapter, c’est aussi un travail intérieur.
Ce n’est pas simplement suivre le mouvement extérieur, c’est transformer notre posture mentale, ouvrir notre regard, redéfinir nos priorités.
C’est une pratique profonde, parfois douloureuse, souvent libératrice.
Cela demande de l’humilité : reconnaître que nous ne savons pas tout.
Cela demande du courage : lâcher certaines habitudes, certaines certitudes.
Cela demande de la présence : sentir, à chaque instant, ce qui doit être ajusté.
Dans le taoïsme, cette sagesse de l’adaptation s’appelle aussi le Wu Wei, le non-agir.
Non pas l’inaction, mais une action sans effort, une fluidité dans le mouvement.
Ce n’est pas nous qui devons dominer la vie, mais nous rendre perméables à son souffle, à sa logique souterraine. C’est comme respirer avec le monde, dans une pulsation commune.
L’adaptation est une écoute.
Celle du corps, qui change avec l’âge, les saisons, les émotions.
Celle de l’âme, qui mûrit avec l’expérience, qui apprend à lâcher prise.
Celle du monde, qui nous invite sans cesse à nous repositionner, à devenir des artistes de la relation et du temps.
Alors oui, parfois, l’adaptation fait peur. Elle nous oblige à sortir du connu, du confortable, du répétitif.
Mais elle est aussi cette pulsation de vie qui nous garde vivants, présents, évolutifs.
En MTC, le vieillissement est vu comme un affaiblissement progressif de cette capacité d’adaptation. Préserver ses Reins, c’est donc entretenir cette souplesse fondamentale, ce tremplin intérieur qui nous permet de continuer à avancer, même dans l’incertitude.
C’est honorer la vie qui circule, la vie qui change, la vie qui nous pousse parfois hors des sentiers battus pour que nous nous réinventions.
Et si nous acceptions de ne pas savoir ?
Et si nous cultivions cette souplesse de l’instant ?
Et si, plutôt que de nous agripper, nous laissions la vie nous apprendre une danse nouvelle ?
Car, finalement, l’adaptation est un art d’aimer :
*aimer le changement,
*aimer les cycles,
*aimer ce que la vie nous présente, même si cela bouscule nos repères.
Et comme le murmure Victor Hugo, avec la sagesse d’un cœur apaisé :
« Puisque le sort en est jeté,
Vivons tous deux, l’âme contente,
Et plions sans nous révolter
Aux événements qu’on nous présente. »
Jean Pélissier
(Illustration de l'auteur)
LIEN POUR ACCEDER A LA VIDEO DE CET ELOGE :
https://www.youtube.com/watch?v=TfMD8uRUUjU&list=PLhoVvThPd5bUTfmXGMX-Xdt8CQYo27O4K&index=17