
01/03/2021
- La situation pandémique mondiale met de plus en plus en avant les problématiques psychologiques auprès du grand public. Intérêt de cette situation, on aborde de plus en plus dans les médias la question de la psychiatrie en France, souvent considérée comme le "parent pauvre" de la médecine.
Depuis les années 80, ce sont des changements énormes qui sont venus complexifier l'accès à la santé mentale : baisse énorme du nombre de lits d'hospitalisation en psychiatrie ; développement des prises en charge en milieu ouvert (sans hospitalisation) ; élargissement du panel des options de prise en charge ; maillage des CMPs (Centre Médico-Psychologiques) et autres centres ayant vocation à la prise en charge publique des pathologies psychiatriques...
On peut résumer la situation actuelle par une simple phrase : personne, soignants comme soignés, ne juge la situation actuelle satisfaisante, et son évolution non plus.
Le maintien en "milieu ouvert" de nombres de personnes en souffrance a ainsi évité la mise à l'abri dans des institutions psychiatriques parfois problématiques, mais ne s'est pas associée avec une amélioration des prises en charge.
Et depuis les années 80, il est notable que le taux de problématiques psychiatriques dans le milieu carcéral augmente peu à peu.
Plutôt que d'interner les patients, on a recommencé à les incarcérer ; et des détenus "mentalement sains" deviennent de plus en plus psychiatriquement pathologiques au sortir des établissements pénitentiaires.
Situation de mouvement perpétuel.
La précarité étudiante en France a commencé à faire avancer un vieux serpent de mer de la psychiatrie, à savoir celui du remboursement de la prise en charge des psychologues.
Ainsi, un psychologue libéral n'est aujourd'hui toujours pas remboursé : et, hormis une prise en charge éventuelle par votre mutuelle, vous devrez payer votre psychologue de votre poche.
Cette situation ne vous satisfait pas ? Vous êtes alors redirigés vers les dits CMPs ou, pour votre enfant, la pédopsychiatrie. Les temps d'attente dans ces deux types de structures ayant été épinglés à de nombreuses reprises par le Défenseur des Droits, la Cour des Comptes ou les associations de patients.
A titre indicatif, en 2017, un rapport du Sénat pointait un temps moyen d'attente pour une première consultation en CMP de 67 jours ; certains départements ayant des files d'attente, notamment en pédopsychiatrie, se montant à 9 mois sinon plus.
Ou : en cas de problématique nécessitant une prise en charge rapide, vous ne pourrez pas faire sans payer de votre poche.
Cette situation est évidemment extrêmement questionnante : sur notre politique nationale ; sur notre système de santé ; sur le regard de la société sur la santé mentale ; mais aussi, tout simplement, sur les inégalités économiques qu'elle reflète.
Un sondage FFPP (Fédération Française de Psychologie et des Psychologues), l'un des deux principaux syndicats de la profession, exposait des coûts de consultation allant de 60 à 120 € pour 45 minutes, selon les territoires.
En France, c'est un euphémisme de dire que beaucoup de gens ne peuvent pas se permettre de payer 60€ de manière répétée.
C'est un vrai problème, si l'on prend cela du point de vue de la santé mentale : car une prise en charge efficace implique du temps pour amorcer des changements structurels, et surtout pour les étayer et éviter certaines rechutes comportementales.
Ainsi, la perspective du remboursement des psychologues a vu l'objet d'une expérimentation dans plusieurs départements pour les moins de 21 ans, avant de voir l'ouverture du chèque psy' à destination des étudiants.
Ce dispositif est une avancée réelle, afin de permettre une prise en charge des frais nécessaires à notre santé mentale collective. Les pouvoirs étatiques sous-estimant très probablement l'ampleur des coûts que génèreront une prise en charge de ces frais.
Le paiement d'une psychothérapie est un thème complexe, qui nécessitera plusieurs articles.
Pour conclure celui-ci, étendons-nous déjà sur l'avancée des négociations en cours :
La sécurité sociale, dans les négociations mises en oeuvre, souhaite l'instauration d'un tarif unique de 27€ par consultation, afin de faire correspondre un entretien psychologique à une visite chez le généraliste.
Ce chiffre, pour le dire simplement, est très insuffisant vis à vis de la profession, ce pour un calcul simple.
Quand vous voyez votre thérapeute, ce que vous lui donnez n'est pas à proprement parler un "salaire", de l'argent qui lui permettra de vivre directement. C'est avant tout un "chiffre d'affaire", duquel votre thérapeute devra déduire : ses charges fixes (location de cabinet, assurance professionnelle, parfois remboursements de prêts à l'installation...), la taxation d'activité professionnelle (22% du montant total si votre praticien est en micro-entreprise), et autres taxes associées...
Pour dire les choses simplement, quand vous payez une consultation 50€, votre psychologue peut se rémunérer à hauteur de 25€, la moitié de votre séance partant en charges. 25€ étant un montant, ramené à un taux horaire, correspondant à environ 2 fois le SMIC.
C'est à la fois confortable lorsque mis en vis à vis des difficultés rencontrées par nombre de familles, et à la fois relativement modique compte tenu du niveau d'études de votre professionnel.
Une consultation à 27€, ça veut dire que votre psy' se paye au SMIC. Voilà, c'est dit, c'est posé.
Et pour un statut professionnel à Bac +5, c'est bien évidemment inadmissible.
Plusieurs pistes sont envisagées : proposer une sur-facturation prise en charge par votre mutuelle (pour arriver à un montant d'environ 50€) ; réhausser ce tarif de prise en charge par la sécurité sociale ; que les professionnel.le.s acceptent de revoir leurs exigences salariales à la baisse.
Les discussions sont toujours en cours. Mais on peut néanmoins se féliciter de cette avancée, qui changera profondément des choses à votre niveau en tant que patients.
Et commencera à ouvrir la plus grande boite de Pandore médicale du pays : l'état psychique extrêmement détérioré des citoyen.ne.s du pays - premier consommateur d'anti-dépresseurs du monde -, et les causes de cet état psychique détérioré.
(L'image d'illustration provient de Vanui de Castelbajac et ses géniaux détournements du cabinet d'un psychologue : bravo à lui)