
14/05/2025
Le Masculin et le Féminin
Je souhaite aborder ce sujet aujourd’hui car les problématiques rencontrées au cabinet actuellement ne parlent plus uniquement de l’expansion des violences au sein des couples. Les problématiques actuelles, de manière beaucoup plus vaste, englobent ces violences conjugales mais viennent plutôt parler d’une scission entre le masculin et le féminin. Comme si un fossé toujours plus large venait se poser entre nous.
Je retrouve au cabinet des hommes blessés, sans repères, dans la peur et l’incompréhension totale face au féminin. Et je retrouve des femmes terrifiées, qui se blindent et se radicalisent, se surprotègent face à la violence ambiante. Deux positionnements tout à fait légitimes, mais qui nous entraînent dans un cercle vicieux sans précédent, entre méfiance, violence, surprotection, silence, incompréhensions, surexistence de l’enfant au sein du couple et par rapport à l’existence du couple même : POURQUOI le masculin et le féminin peinent-ils autant à se comprendre ?
La fin des rôles traditionnels : fini le père de famille autoritaire dont la mission était d’assurer la sécurité financière du foyer. Fini les mamans douces et calmes qui restent à la maison pour s’occuper des enfants . Biensur que cela existe toujours mais il ne s’agit plus d’un schéma courant aujourd’hui. Les rôles sont donc à redéfinir.
On le voit aussi à travers la FLUIDITÉ des identités actuelles ( genres, expressions de genre, orientation et choix amoureux)
Les possibles s’ouvrent à un tel point que des tensions identitaires se mettent en place entre hommes et femmes, pour ceux et celles que ces changements déstabilisent : quel est mon rôle ? Ma mission? Que dois-je attendre de l’autre ? Mes attentes envers l’autre peuvent-elles toujours être les mêmes ?
- le féminisme actuelle n’est pas celui d’avant
Ce féminisme naissant n’est plus seulement à la recherche d’une égalité des sexes mais aussi d’une revalorisation du féminin ( force de l’esprit, l’importance de l’émotionnel , intuition ….)
Beaucoup de femmes refusent aujourd’hui les schémas traditionnels et les compromis, qui, avant étaient considérés comme normaux dans un couple hétérosexuel.
Cela peut faire naître une vraie incompréhension chez les hommes qui n’ont pas été outillés pour repenser leur place. Cela peut même générer du repli voire de la violence dans les cas les plus complexes. Il n’est pas rare en séance que j’entende des hommes se plaindre d’un ressenti d’inutilité dans leur couple, ne sachant alors plus du tout quelle serait leur place dans toutes ces évolutions .
Le masculin, en réaction à ces changements, va donc petit à petit essayer de se réinventer.
Beaucoup d’hommes passent le pas de la porte du cabinet dans l’idée de renouer avec leurs émotions, de les assumer et les faire vivre pleinement. Mais le passé est toujours bien présent en arrière plan et dans l’inconscient collectif de ces hommes. Ils sont alors dans la crainte d’être perçus comme faibles.
D’autres se replient dans ce que l’on peut appeler des masculinités défensives qui cherchent alors à protéger l’ancien modèle. De la violence peut naître de cette masculinités défensives qui peinera à laisser exister et s’épanouir ce nouveau féminin en expansion. La violence naît alors de la peur et de la perte de repères. Il s’agit donc de déconstruire ce rapport à la masculinité, à ce rôle figé et délétère que l’on impose à l’homme : d’être piégé dans une posture de force et d’autorité constante.
Certains arrivent à trouver un nouveau modèle , plus égalitaire et surtout dans une connexion émotionnelle nécessaire à l’épanouissement de chacun.
Enfin, un problème croissant et qui intervient dans cette guerre masculin/féminin est l’accroissement de l’INDIVIDUALISME émotionnel de la société.
Plus que jamais, les êtres humains sont en quête de COMMUNICATION non violente , de COMPRÉHENSION et d’authenticité dans les relations. POUR AUTANT, les attentes relationnelles sont plus élevées que jamais, la tendance aux compromis est en baisse constante ET la tolérance à la frustration diminue drastiquement.
Ainsi chacun EXIGE énormément de l’autre sans prendre en considération qu’on a aussi des devoirs à respecter envers celui ci. C’est ici que la guerre d’égo peut débuter plutôt que d’arriver à se poser les vraies questions « qu’est ce que je fais vivre à l’autre, moi même, à travers mes agissements »? Sans être UNIQUEMENT dans l’attente que l’autre se calque à nos désirs et nos souhaits. Les relations intersexes génèrent bien évidemment des droits mais aussi des DEVOIRS, une responsabilité.
En bref , dans beaucoup de relations dysfonctionnelles, je repère une forte tendance aux « moi, je » et des attentes démesurées portant sur l’autre sans se remettre soi même en question. L’individualisme bloque et bloquera toujours la connexion émotionnelle, la communication non violente et la compréhension.
On note donc UNE TENSION ÉNORME entre le désir et le besoin de LIEN PROFOND et UNE PEUR PANIQUE D’ÊTRE ENVAHI par l’autre, d’être enfermé , d’être blessé. Besoin de l’autre MAIS surprotection face à la violence ambiante ou à des expériences passés et traumatiques que l’on aurait vécu face au masculin ou au féminin. DÉSIR DE LIEN PROFOND mais mécanisme de défense qui vise à affirmer que l’on a besoin de personne. Ce qui vient alors briser le lien naissant à la racine.
Cette peur du masculin vécue légitimement par certaines femmes ( et vice versa) génère une hyper-indépendance, une radicalité parfois déconcertante et une intransigeance qui vont directement venir braquer et rejeter le parti en face. Pour illustrer cela, je prendrais l’exemple d’une de mes patientes en séance (prénoms, âges , tous les détails ont évidemment été changés pour la confidentialité ) :
- Malika, 34 ans , divorcée il y a 2 ans se remet en route pour tenter de rencontrer quelqu’un. Elle utilise les réseaux et en vient à rencontrer différents hommes. Cependant, et malgré le fait que certains de ces hommes lui ont vraiment plu : aucune de ces rencontres ne donnent suite. Certains ont simplement arrêté de répondre du jour au lendemain et sans donner d’explication, tandis que les plus honnêtes ont coupé court. Je demande à Malika de m’expliquer la manière dont elle a pu parler d’elle lors de ses dates , puis je lui demande de me parler de sa VISION du masculin de manière globale .
- Et alors je comprends. Malika m’explique alors de manière fermée, froide qu’elle n’a besoin de personne et certainement pas d’un homme. Qu’elle n’a pas besoin d’aide pour quoi que ce soit, qu’elle est comme elle est et que c’est à prendre ou à laisser. Puis Malika me parle de sa dernière relation, ponctuée de violence psychologique et verbale où elle a beaucoup souffert et pendant des années. Elle m’explique avoir été rabaissée verbalement de manière intempestive , contrôlée sur ses amies, ses sorties, ses tenues. Malika pleure énormément et me dit qu’elle ne refera plus jamais confiance à un homme. Que les hommes sont lâches, faux, cruels, égoïstes et « sans émotion »
- Malika est donc bloquée entre son besoin de l’autre et sa peur viscérale de souffrir à nouveau dans une relation de violence, ou ses émotions ne seraient à nouveau pas prise en considération. Malika généralise la situation car c’est une situation qu’elle retrouve chez grand nombre de ses ami(e)s et/ou Malika est verrouillée dans une apparence d’hyper indépendance - hyper solidité - hyper rigidité
La connexion ne se fait pas, l’écart se creuse , les incompréhensions se multiplient et c’est alors que naissent LA PEUR de l’autre, la VIOLENCE dans le lien. L’ego et la peur empêche Malika de prendre le risque de s’ouvrir réellement à l’autre et donc de se connecter à la personne en face. La personne en face ressent cette distance, cette inquiétude, cette attitude défensive et fausse. L’armure que l’on se construit au fil de la vie et de nos éventuels échecs devient alors l’objet qui nous empêche de créer du lien réel et de la connexion émotionnelle. Les relations sont alors superficielles, non épanouissantes et finissent généralement mal. Entrer dans un lien réel avec l’autre exige le risque. S’ouvrir à quelqu’un c’est forcément s’exposer au danger de perdre cet autre à un moment donné.
Ne plus générer de lien authentique avec l’autre nous fait entrer peu à peu dans l’individualisme émotionnel du « je n’ai besoin de personne » et cela bloque tout notre relationnel. Le masque est contre productif.
Sans compter que les RÉSEAUX sont venus directement alimenter tout cela à la source et donc agissant sur des personnes d’âges trop précoces pour gérer cela. En effet, les réseaux ont totalement changé la façon dont les personnes interagissent.
La multitude des choix proposés, le fait de zapper , de scroller, la recherche constante de PERFORMANCE, la pression mise sur l’apparence : tout cela cultive l’instantanéité et la DÉSHUMANISATION du lien ( on doit AVOIR avant d’ETRE , l’autre n’est plus considéré à sa juste valeur à travers un ordinateur ou un smartphone, on ne considère plus avoir une responsabilité émotionnel envers l’autre qui est ghosté ou bloqué à la moindre contrariété , plus de dialogue réel , émotions remplacées par des emojis …) la notion d’engagement est donc de plus en plus lointaine et dérisoire . Et donc la notion de SÉCURITÉ face à l’autre sexe également .
En effet, se donner la permission de GHOSTER quelqu’un est un acte de lâcheté sans communes mesures qui ne peut avoir lieu que dans l’espace virtuel. Dans la vraie vie, il est bien plus difficile d’agir ainsi puisqu’une personne ne disparaît pas. Ghoster est un acte de déshumanisation de l’autre et d’individualisme émotionnel total. Cependant, comment agir quand la communication devient impossible, l’ego empêchant toute réflexion/prise de conscience?
Ainsi, ce que je vois régner entre le masculin et le féminin c’est justement cette insécurité. L’autre devient l’ennemi, le risque, le danger. Là où notre complémentarité devrait nous permettre d’avancer ensemble, aujourd’hui : cette complémentarité nous éloigne car nous ne cherchons plus à la comprendre. Le masculin dispose de certaines forces essentielles au féminin. Le féminin dispose d’autres forces essentielles au masculin. Nos manières de communiquer ont beau être très différentes aujourd’hui, ces modèles tendent à se déconstruire peu à peu mais il me semble URGENT d’accepter ces différences plutôt que d’en être effrayé, de ranger son EGO qui nous pousse constamment à aller vers ce besoin de DOMINATION, et d’essayer de fonctionner ENSEMBLE avec les forces et les faiblesses de chacun.
Je vois constamment ces articles qui pullulent sur le net : « LES RED FLAGS à ne pas ignorer » cependant : avez vous déjà pensé au fait que vous pourriez, vous aussi, avoir certains « red flags »? Ne croyez vous pas que chacun d’entre nous peut-être « toxique » à sa manière en fonction de la relation dans laquelle il se trouve ? Nous avons TOUS des aspects toxiques dans nos comportements et cela ne fait pas de nous une personne malsaine dans son entièreté. Ces comportements se corrigent et se travaillent si la communication est ouverte et si nous ne sommes pas enfermés dans des positionnements où notre ego nous empêcherait de reconnaître nos côtés dysfonctionnels.
Qu il existe des personnes toxiques à éviter : ÉVIDEMMENT. C’est un sujet que j’ai pu aborder dans d’autres articles au préalable. Seulement aujourd’hui, la notion de toxicité et de red flag est omniprésente ET contre productive. Car l’aspect toxique, malsain, manipulation est en chacun de nous et il peut nous arriver d’utiliser ces attitudes sans être une mauvaise personne ou une personne dangereuse. L’amour et le couple sont un combat constant où la communication, l’écoute et la remise en question sont de mises. La peur ne fera que vous faire entrer dans des mécanismes contre productif, le risque faisant parti intégrante de nos vies sociales.