23/01/2025
Pour ne pas changer, aujourd’hui je vais encore vous parler d’amour, mais cette fois-ci, vue sous l’angle de la mort.
J’entends ceux qui disent, Marie, tu es en plein délire…
Laissez-moi vous expliquer où je veux en venir.
Je viens de partager un moment intime avec une amie qui me livre des moments difficiles qu’elle vit actuellement en lien avec la vieillesse, la maladie, la dépendance, l’isolement, l’éloignement… et la mort.
Que faire, lorsque des personnes aimées deviennent fragiles et glissent petit à petit vers la fin ?
Notre réflexe est de vouloir aider. Nous avons tendance à décider pour elles de ce qui est bon.
Nous les voyons faibles et voulons quelquefois décider pour elles, alors que nous n’y avons pas été invité. Voulant bien faire, nous les réduisons à la position de victimes, de malades, de mourantes. Nous réorganisons, perturbons le sens de leur vie, pensant pouvoir « mieux » faire, pour leur bien : Infirmière, aide à domicile, repas adaptés, soins et hospitalisations… Nous essayons d’apporter notre bon sens, là où nous voyons de l’irrationalité, considéré comme infantilité. Partant de ce constat, nous nous octroyons le droit de choisir pour l’autre. Mais qu’en est-il lorsque la personne ne le souhaite pas ?
J’ai été confronté à cette situation à plusieurs reprises. Et j’entends des phrases désespérées :
- Mon père refuse de se soigner. Sans soin, il ne lui reste plus que 6 mois. Je dois l’obliger à faire ce qu’il faut.
D’un côté, il y a celui qui s’accroche. Il est confronté à la perte d’une personne chère. Il veut tout tenter pour prolonger cette vie, même dans la douleur et la souffrance. Quand bien même elle ne tient plus qu’à un fil, sa survie dépend de nous. C’est la condition pour garder cette personne aimée, déjà en train de glisser vers autre chose, un peu plus longtemps prêt de nous…
De l’autre côté, il y a celui qui lâche. Il a accepté l’idée de partir et souhaite simplement partager des moments de bonheur avec les personnes qu’il aime, éloignant médecins, traitements invasifs qui font de lui un absent dans ces derniers instants. Non pas refuser toute aide médicale, mais avoir la possibilité de choisir comment il veut se la voir prodiguer car il souhaite être présent jusqu’au bout. Peut-être s’offrir la possibilité de vivre encore un petit bout ?
J’ai été marqué par le livre de Mélissa Da Costa, « Tout le bleu du Ciel ». Emile, 26 ans, apprend être atteint d’un Alzheimer précoce qui le condamne. Sa vie s’écroule. Sa mort est annoncée et datée. Finis les projets de vie, il doit réfléchir à des projets de mort, en pleine fleur de l’âge. Sa famille ne peut pas tolérer qu’il ne se fasse pas soigner. Il s’enfuit. Il préfère mourir loin de ceux
qu’il aime. Il préfère mourir « vivant »?
Ce livre est magnifique. Âme sensible vous allez pleurer. Mais quelle leçon ! de vie et de mort, car c’est bien de la même chose dont on parle.
Il y a dans cette acceptation de la mort, un appel à la vie, comme une bouffée d’envie. Mais surtout, ça ramène à beaucoup d’humilité et à ce qui selon moi symbolise l’amour dans sa plus noble définition. Être suffisamment humble pour comprendre que je ne peux pas sauver l’autre et aimer à accepter la volonté de l’autre, sans jugement. Si c’était moi… je ferais autrement. Si c’était moi… je me battrais pour ma survie. Mais ça n’est pas moi ! Qui suis-je pour imposer ma vision ?
Par contre, je peux être là, présent. Cette simple présence est certaines fois vécue par ceux qui restent, comme une manière de baisser les bras ou d’abandonner l’être aimé. Moi j’y vois là un cadeau. Je t’offre ma présence. Je t’offre des moments partagés, sans dispute et combat vain, à savoir qui a raison. Peut-on juste s’aimer ? Il est question de s’octroyer des moments de vie qui resteront lorsque la personne ne sera plus là, de juste profiter de ce qui est là. Souvenir d’un petit café partagé sur une terrasse, contre tout bon sens, entre un père et sa fille, en toute
insouciance. Souvenir d’un petit resto entre une mère et sa fille, entre deux amies, entre un frère et sa sœur… Des rires et des larmes, qui n’ont besoin d’aucune parole.
Accompagner les personnes qui nous sont chères, le long de leur parcours de vie, sans chercher à les diriger.
Offrir notre amour sans rien attendre en retour.
Accepter la mort et vivre pleinement, sans perdre de temps.
Avoir la chance de pouvoir vivre nos rêves.
Que d’énergie perdue à essayer de sauver celui qui ne désire pas l’être, à gâcher ces derniers instants. Source de fatigue pour l’un et pour l’autre.
Alors je nous souhaite d’aimer à nous oublier, d’aimer à accepter de ne pas comprendre, d’aimer à ne pas savoir de quoi sera fait demain.
Je nous souhaite de vivre, jusqu’à la fin. Je nous souhaite de pouvoir le faire avec des gens choisis qui nous tiendront la main, sans avoir besoin de parler ou de convaincre.
Je ne souhaite de voir, qu’au-delà de la mort, offrir notre amour sans condition est le plus beau présent que l’on puisse faire à quelqu’un, en toutes circonstances.
Je nous souhaite de saisir que nous ne contrôlons rien et que tout a une fin.
Je nous souhaite de profiter de chaque instant, comme si c’était le dernier, avec tout notre cœur, et ne jamais avoir de regrets.
Je nous souhaite d’aimer et d’être aimé.
Marie, Je suis alpha et oméga.