19/10/2025
" Réapprendre à ne rien faire, à ne rien déranger.
Se taire.
Casser en soi cette radiophonie qui émet sans relâche, ce bavardage incoercible.
S'abandonner à la derive du silence.
A cette discipline ancestrale des moines bouddhistes, nous excellions encore enfant.
"Quoi! Ne rien faire!"
Arraché à l'eperdue contemplation d'un nœud de bois dans la table, le petit de l'homme sursaute, pris en flagrant délit de méditation.
L'osmose qui s'était établie entre lui et la chose - peu importe laquelle - est détruite.
Ce fragment d'éternité suspendu hors du temps lui est pris des mains, confisqué comme une bille.
Le coupable est rendu illico à l'agitation obligatoire à laquelle le zèle de ses éducateurs le condamne. [...]
Dans presque toutes les cultures existantes, cet état de vacance de l'âme est considéré comme essentiel dans la vie humaine et honorée comme antichambre de la connaissance.
Dans nos contrées, les idéologues de tout bords s'accordent pour condamner à l'unanimité cette "fuite devant la réalité ". L'ordre social, le travail, les congés, tout vise à faire du citoyen un "homme occupé", comme on le dit d'un pays envahi par une armée étrangère. [...]
À l'écoute du silence, on ne rencontre guère sous nos climats que quelques artistes ou artisans - ces primitifs incorrigibles - et, de-ci de-là, une mère de famille égarée, un amant, un préposé aux postes, un représentant de commerce, d'autres peut-être qui, par on ne sait quel jeu du hasard, ont omis de s'assurer tous risques contre la vie.
Mais qu'à donc en soi d'aussi subversif la contemplation, pour s'être vue impitoyablement boutée hors de notre civilisation ? "
Christiane Singer
"Les Âges de la Vie" 1983
🔥 Et toi, racontes nous ta relation à la contemplation.
Un jeu d'enfant ou un effort insurmontable ?