04/08/2025
Bonsoir les entraîdeurs
La varénicline, ce médicament plus connu sous son ancien nom commercial Champix, traîne une réputation aussi injuste que tenace : c’est un peu le mal-aimé des aides à l’arrêt du tabac, comme si on avait décidé qu’il fallait bien un vilain petit canard parmi les traitements efficaces. Et pourtant, si l’on regarde les faits, ce traitement mérite largement qu’on le réhabilite.
Il a été retiré temporairement du marché, non pas à cause d’effets secondaires graves comme on l’a longtemps laissé croire, mais pour une raison nettement moins croustillante : la présence de nitrosamines, des impuretés potentiellement cancérogènes… en cas de prise à très fortes doses pendant des années, ce qui n’a évidemment jamais été le cas dans les indications normales. En clair : c’était une décision de précaution industrielle, pas un signal de danger thérapeutique. D’ailleurs, les mêmes inquiétudes ont touché bien d’autres médicaments, comme certains sartans (antihypertenseurs) ou la metformine (traitement du diabète), sans qu’on les accuse pour autant de causer des hallucinations ou des envies de fugue vers les montagnes du Tibet.
Mais revenons à l’origine de la mauvaise réputation : dès son lancement, la varénicline a été soupçonnée de provoquer des troubles psychiatriques graves, allant de la dépression aux idées suicidaires. Des témoignages isolés, relayés de manière spectaculaire par les médias et les forums, ont nourri une peur collective, parfois irrationnelle, à une époque où la stigmatisation des troubles psychiques battait son plein. Ce que l’on oubliait un peu vite, c’est que l’arrêt du tabac lui-même peut générer des troubles émotionnels chez certaines personnes sensibles, surtout sans accompagnement. Et que l’on accusait donc le médicament de ce que le sevrage pouvait provoquer tout seul, comme si on reprochait à la ceinture de sécurité de provoquer des bleus lors d’un accident.
Heureusement, des études sérieuses ont mis les pendules à l’heure :
L’étude EAGLES (2016), publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA 2016; 315(4):371–379), a porté sur plus de 8000 fumeurs, avec ou sans antécédents psychiatriques. Elle a comparé la varénicline à d'autres traitements comme le bupropion (que je déconseille chez les patients fragile sur le plan psychiatrique et qui est peu efficace) et les patchs, ainsi qu'à un placebo. Résultat : aucune augmentation significative des troubles psychiatriques n’a été observée chez les utilisateurs de varénicline. Mieux : son efficacité pour aider à arrêter de fumer s’est révélée largement supérieure. L'objectif de ce traitement, avec continuation de la cigarette pendant 15 jours et d'apporter un ressenti du dégoût physique et physiologique, qui permet en parallèle d'appréhender les moments critiques en termes d'envie et de savoir quoi faire dans ces moments-là. C'est la base des thérapies communivo comportementale qu'on a déjà évoqué ici, sur le groupe Entraide Tabac : arrêter de fumer ensemble !
* Une **r***e Cochrane de 2020** ("Pharmacological interventions for smoking cessation: an overview and network meta‐analysis") a confirmé ces résultats : la varénicline double ou triple les chances de succès par rapport au placebo, avec un excellent profil de tolérance lorsqu’elle est bien suivie.
Mais alors, comment ça fonctionne au juste ? La varénicline est un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques α4β2. Traduction : elle se fixe là où la ni****ne agit habituellement dans le cerveau, ce qui permet de réduire les symptômes de manque** (irritabilité, anxiété, fringales, envie irrépressible de dire leurs quatre vérités à tous les collègues) tout en diminuant le plaisir ressenti si on craque pour une cigarette, puisque les récepteurs sont bloqués par la molécule. Autrement dit, c’est un peu comme si on rendait la cigarette aussi savoureuse qu’un vieux chewing-gum ramassé sous une table.
La posologie est progressive :
* Jours 1 à 3 : 0,5 mg une fois par jour
* Jours 4 à 7 : 0,5 mg deux fois par jour
* À partir du jour 8 : 1 mg deux fois par jour (dose d’entretien)
On commence généralement une semaine a deux semaines avant la date prévue d’arrêt, mais cela peut s’adapter au profil du patient. On peut même démarrer sans date fixe d’arrêt au départ, en mode "on verra comment je le sens"… ce qui est parfois plus réaliste. Le traitement est prévu pour 3 mois mais j'invite parfois mes patients à continuer 6 mois.
Parmi les effets secondaires :
* Les plus fréquents sont bénins : nausées (surtout si prise à jeun), troubles du sommeil (souvent des rêves vivaces, mais pas forcément cauchemardesques), maux de tête.
* Les troubles psychiatriques sont très rares, et ne sont pas plus fréquents qu’avec les autres traitements ou le sevrage lui-même.
* Et bien sûr, comme pour tout traitement, il est important de tenir compte des antécédents médicaux et des traitements en cours, notamment en psychiatrie : ce n’est pas une contre-indication, mais cela mérite un suivi plus attentif, souvent très bénéfique. De toute façon le suivi psychiatrique pour les patients fragile de ce côté est primordial pendant un arrêt du tabac, car il s'agit de le faire en toute douceur, et avec un suivi tabacologique et addictologique de qualit
En résumé : la varénicline est un excellent outil dans l’arsenal du sevrage tabagique, qui a payé cher une mauvaise presse initiale largement infondée. Elle est à nouveau disponible en pharmacie, et son efficacité est au rendez-vous chez un grand nombre de fumeurs… à condition d’être bien accompagné, sans dramatiser, mais avec bienveillance et rigueur.
Et pour ceux qui ont peur des effets secondaires après avoir lu trois témoignages anxiogènes sur internet : on les rassure, on les entoure, et on leur rappelle que les forums, c’est comme les critiques de films… ce sont souvent ceux qui ont détesté qui prennent le temps de s’exprimer.
Si vous avez d'autres questions n'hésitez pas à me joindre message privé.
Avec toutes mes encouragements et mon admiration
Amicalement
Nicolas Govin, Tabacologue
PS : je n'ai strictement aucun lien d'intérêt avec qui que ce soit et en particulier avec le laboratoire produisant le champix