17/07/2023
𝐑 𝐞́ 𝐬 𝐢 𝐬 𝐭 𝐞 𝐫
C’est un simple verbe retrouvé gravé sur la margelle d’une ouverture de la Tour Constance d’Aigues Mortes : « Register ». L’histoire raconte qu’il est le témoignage de Marie Durand, protestante enfermée là pendant plus de 35 ans lors des guerres de religion. Refusant d’abjurer sa foi, elle, ou une autre, a gravé avec la pointe d’un mauvais couteau, le mot Résister.
Un verbe, une injonction, une prière, un dernier soupir, une exhortation, un emblème sacré, un mot d’ordre, sobre, clair, précis, splendide. Et, au dessus, presque effacé par le temps, six lettres : "au ciel". Résister au ciel ou puiser dans le ciel la force de résister ? A quoi pensaient-elles ces femmes enfermées par ordre du roi parce qu’elles lui résistaient ? A quoi s’accrochaient-elles pour tenir, jour après jour ? Il aurait suffit qu’elles renoncent si peu pour retrouver cette terre des Cévennes qu’elles aimaient tant.
Résister, voilà un verbe qui traverse les siècles et brille d’une nouvelle actualité. Ne pas céder, lutter pied à pied, rester vivace malgré l’usure ou les tentatives de destruction, de dissolution. Mais résister c’est aussi créer nous dit Lucie Aubrac reprise par Stéphane Hessel ou Florence Aubenas. Les résistances ouvrent des pistes alternatives nécessaires et possibles. Elles révèlent des horizons cachés par la voie unique qui nous est imposée.
Résister c’est créer et créer c’est transformer. Depuis plusieurs décennies maintenant, des forces sont à l’œuvre pour transformer ce vieux monde épuisé. Même si elles sont encore peut visibles, elles sont présentes dans les différentes strates des profondes mutations en cours. Cet été, sur le Larzac, un rassemblement des luttes en cours est organisé "Les Résistantes". On y confrontera les expériences, on échangera les idées, on unira les révolutions en cours : celle des droits des femmes, celle des droits des peuples, celle des droits de la nature, celle des limites du corps humains. Des révolutions qui bouleversent le monde et nous bouleversent tout autant.
Et bouleversent nos enfants.
Une récente étude révèle que 13% des enfants de 6 à 13 ans présentent des troubles de santé mentale (hyperactivité, TA, anxiété, dépression,…) en France. Que peut-on dire à ces enfants aujourd’hui ? Que tout est perdu ? Qu’il faut lâcher prise ? Que c’est comme ça et qu’on n’y peut rien ?
Non, disons leur qu’on se battra jusqu’au bout pour que, d’ici vingt ou trente ans, ils aient la vie au bout de leur doigts, une maison peuplée de souvenirs et des enfants rieurs se balançant sous l’ombre des arbres que nous auront planté. Et qu’ils ne doivent rien craindre de l’avenir qui s’annonce, que nous aurons le courage de refaire un monde "plein de fleurs et de colombes" chantait déjà mon père. Un jour, les êtres que nous aimions et dont nous redoutions la disparition, devienne une douce présence à qui il nous arrive de parler le soir. Ils sont là pour nous accompagner, comme nous serons là pour accompagner nos enfants et les enfants de nos enfants. Dans une même résistance, dans une même espérance.
Solveig Letort
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