14/06/2023
" D' une indifférente intimité.
Les travaux de recherche ne s'attardent que très peu sur l'implication de l'art-therapeute dans les phénomènes transferentiels alors que c'est lui qui, poussé par son désir, entre en scène le premier. Ce prélude au bal transferentiel induit chez le patient la quasi-certitude que, si ce spécialiste ose faire le premier pas, c'est qu'il sait danser. Mais quel partenaire cherche-t-il pour ne pas laisser le desir filer dans le vent ? Mais aussi comment le patient pris par son désir d'être desiré par ce représentant de la santé, s'ajuste-t-il à son invite pour gagner en échange le statut de mieux-portant ?
C'est le bal des désirs qui finit par allumer la mèche de l'amour de transfert, d'autant plus que l'on demande au patient qu'il veuille bien livrer sa part d'intime pour bénéficier de la méthode. L'art-therapeute peut même laisser penser qu il désire que le patient accouche ici d'un intime si profond que les mots n'y suffiraient pas. On clame dans nos médias que la méthode permettrait grâce à la création, d'extérioriser des émotions impossibles à verbaliser et ainsi de recontacter l'intime en soi pour pouvoir se reapproprier son vécu. L'ambition s'enflamme, du fait d'un défaut de reconnaissance, jusqu'à laisser penser que l'art-therapie présenterait un caractère miraculeux d'une pratique auréolée d'un double prestige, artistique et médical. L'inconvénient propre à la nécessité publicitaire est de porter l'accent sur le visible. Le fait de présenter l'art-therapie comme une pseudo médecine, bienveillante, résiliente, empathique, essentiellement basée sur la relation d'aide peut conduire l'art-therapeute à ne retenir que les progrès d'expression au lieu d'apprécier à leur juste valeur les réticences structurantes qui inaugurent la reconstruction patiente de l'intime. Les trompettes de la renommee, fixant le regard sur la croûte, finissent par négliger que l'intime de l'art-therapeute lui même et sa mise au travail constituent les principaux organisateurs du parcours."
Jean-Pierre Royol. D'une indifférente intimité.