06/10/2025
Quand une personne concernée parle avec expertise, certains vacillent.
🎙️« témoignage »
À 61 ans, je suis encore régulièrement traité comme si je débutais dans la vie. C’est une cure de rajeunissement qui ne finit pas, et qui accompagne mon engagement de pair. Pas parce que je manque d’expérience — mais parce que ma parole ne rentre pas dans les cadres attendus : ceux de la prise en charge, de la mise sous tutelle, de la bienveillance descendante envers les personnes handicapées.
Dans ce contexte, parler d’autoreprésentation, d’autodétermination, d’intervention par les pairs, ça bouscule. Ça oblige à regarder ses postures, à se remettre en cause, à découvrir un autre univers : celui de la parole vécue, portée par les personnes elles-mêmes — hors du prisme de la prise en charge.
Mais plutôt que de l’entendre, certains cherchent à l’annuler. Ils présentent cette parole comme une “opinion personnelle”, ou comme “une vision parmi d’autres”. Car comment imaginer qu’une personne handicapée puisse avoir une parole, une pensée, des expertises — sans professionnels, sans diplôme, sans mandat, sans validation d’une association “de grandes personnes” ?
Quand Alain Souchon a chanté pour la première fois « J’ai dit ans », j’avais dix ans. « J’ai dix ans, je sais qu’c’est pas vrai, mais j’ai dix ans ! » Aujourd’hui j’ai 61 ans, Alain Souchon 81 ans, mais pour certains, j’ai dix ans ! J’ai même un an, car qu’est-ce donc qu’une association d’autoreprésentants, comme PAIRS-TND avec à peine plus d’un an d’existence ?
Une imposture ? Une anomalie ? Et pourtant, l’association PAIRS-TND est là, comme si elle avait dix ans, parce que dès sa fondation, elle prenait sens pour les acteurs qui portent des projets innovants.
Je pensais qu’un président de soixante ans passés pouvait incarner une certaine stature, une maturité, une sagesse incontestable, une parole qu’on écoute mais je suis autiste, et mon âge ne change rien à l’affaire pour les acteurs du passé. Je ne rentre pas dans le cadre de ces « grandes personnes » qui nous cadrent et nous encadrent et qui définitivement ne comprendront jamais que l’autisme ne me permet pas de respecter les hiérarchies invisibles, ni les codes sociaux qui font “ la stature de l’homme d’expérience”.
Je lis mal les postures, les signes, les hiérarchies, les codes sociaux, ou si je parviens à les lire ça me glisse dessus comme le temps qui passe et je traverse les décennies et ces dernières années selon la même modalité : je suis mon idée qui ne vieillit jamais. Mes actions ne s’inscrivent jamais dans une histoire qui se répète. Elles s’inscrivent dans une histoire qui se construit — dans le réel, dans le vécu de mes pairs, dans le droit à la parole qui ne se discute pas.
Je tiens mon cap. Du terrain. Du collectif. Du travail associatif. Et de mon autisme — têtu, déterminé, lucide.
Je parle d’autoreprésentation, d’autodétermination, d’intervention par les pairs, moins de pair-aidance déjà largement galvaudée dans des visions réductrices qui ne nous appartiennent déjà plus. Et ça, ça fait trembler les verticalités bien installées, descendantes et tellement bienveillantes experte à notre place des vertus de la pair-aidance.
Tout cela ne m’aide pas à incarner mon âge mais comme s’il y en avait besoin, l’infantilisation qu’il m’est donné de vivre à espace régulier de temps me fait me demander parfois quel est mon âge ressenti par les autres. Mon âge c’est 61 ans, dont 51 ans sans diagnostic, et 10 ans avec diagnostic pour rattraper les 50 premières années.
Alors, oui j’ai eu dix ans, le 22 septembre 2025. Je les ai fêtés dignement, presque subrepticement avec des pairs autistes. Ces dix dernières années sont le cœur battant de ma vie. Merci à tous ceux qui ont soutenu mes efforts à me rétablir, à prendre confiance en moi, à prendre ma place et la parole.
PLM
Pairs-tnd.fr
https://www.pairs-tnd.fr/quand-une-personne-concernee-parle-avec-expertise-certains-vacillent/