25/08/2025
Génériques : Pourquoi les pharmaciens doivent résister !
Frederic Bizard
Frederic Bizard
Professeur d'économie chez ESCP Europe | MBA de l'INSEAD
24 août 2025
Le gouvernement a décidé de réduire brutalement le plafond des remises conventionnelles accordées aux pharmaciens par les industriels sur les génériques : de 40 % à 30 % en septembre 2025, puis à 20 % en 2026.
Une décision lourde de conséquences, nuisible à quatre titres :
· Une menace directe pour la viabilité économique de milliers de pharmacies ;
· Un marché de dupes avec les industriels ;
· La destruction d’un levier essentiel d’équilibre économique ;
· Le choix du rabot et du bricolage plutôt qu’une vraie réforme structurelle.
Des pharmacies en danger de fermeture accélérée
Après le pic d’activité du Covid (tests, vaccins), qui a généré autant de revenus que de charges, puis la flambée inflationniste de 2022-2023 (+10 %), les pharmacies subissent aujourd’hui un effet ciseau :
· Moins d’activité, notamment dans les déserts médicaux ;
· Des marges en baisse continue, accentuées par la baisse du prix des médicaments ;
· Des charges fixes toujours élevées.
Il faut ajouter à cela que des milliers de pharmacies sont dans des déserts médicaux, ce qui mécaniquement fait baisser leur activité (peu de prescriptions), celle-ci étant reportée dans les grandes villes.
La radicalité de cette mesure (de 40% à 20%) est le signe d’une grande ignorance du modèle économique par la technostructure (ce type d’arbitrage est pris par un profil type directeur de cabinet adjoint du Ministère ou de Matignon, qui ne s’est peut-être jamais occupé de santé), et par le Politique, qui ne s’est aperçu du problème qu’après avoir vu la grève des gardes des pharmaciens dans les journaux en prenant son café.
Cette radicalité équivaut à une perte de marge comprise entre 200 et 250 M (20 à 25M par point de marge perdu) la première année pleine et le même montant supplémentaire (passage à 20%) la deuxième année pleine, soit 400 à 500 M€ au total (20 000 à 25 000 € en moyenne par pharmaciens). Le sort n’est pas identique pour chaque pharmacie en fonction de sa localisation mais l’ordre de grandeur global est celui-ci.
Si vous considérez que 25% à 30% des pharmacies, selon les enquêtes, sont en situation économique fragile, ce maillon faible va craquer. Il faut vraiment être enfermer dans un bureau sous les dorures d’un Ministère pour ne pas se rendre compte de l’impact délétère pour la santé publique : le pharmacien est non seulement un acteur majeur de cette santé publique, mais quelquefois le dernier restant dans certains territoires.
Un marché de dupes avec les industriels
Cet effondrement des marges ne fait faire pas un euro d’économie directe à l’Assurance maladie puisque ce sont des marges sur les prix d’achat de pharmaciens (ou des groupements) aux industriels. Ce n’est pas la peine de crier haro sur les industriels car l’idée de ces génies de la techno est d’aller ensuite prendre cet argent dans la proche de industriels par des baisse de prix des génériques et autres médicaments matures.
Pour faire simple, tout rabot sur les prix de vente des médicaments matures génère un haut risque de rupture car il est synonyme de vente sans marge ou à perte pour l’industriel. Ainsi, il ne reste plus qu’à comprimer les marges de l’opérateur principal de la chaine pour continuer le petit jeu du rabot, sans rien réformer.
Eh bien non, ce n’est plus possible les gars !
C’est un marché de dupes pour les industriels car :
- Affaiblir le réseau des pharmaciens va contre leurs intérêts ;
- Le développement du marché des génériques va dans le sens de leurs intérêts ;
- Toute économie significative sur les médicaments, sans nuisance, exige une réforme de fond sur le financement et la régulation du médicament.
Un modèle économique du médicament déjà fragilisé
Le modèle économique du médicament ne peut se comprendre que si vous prenez l’intégralité du cycle de vie d’une molécule : de son lancement comme un produit innovant qui peut être sans concurrent d’où sa valeur économique élevée (ce qui est rare est cher), puis vers l’arrivée de concurrents et donc sa valeur baissée (la valeur utilitaire l’emporte), puis son brevet tombe dans le domaine public, la molécule est génériquable par tout labo avec un prix qui baisse de 60% ...
Or, la France a un grand re**rd sur le marché du générique avec une part de marché en volume du générique
Le gouvernement a décidé de réduire brutalement le plafond des remises conventionnelles accordées aux pharmaciens par les industriels sur les génériques : de 40 % à 30 % en septembre 2025, puis à 20 % en 2026. Une décision lourde de conséquences, nuisible à quatre titres : · Une menace d...