
19/07/2025
# L'équilibre entre le donner et le recevoir
L'argent est bien plus qu'un simple moyen d'échange : c'est une énergie en mouvement. Lorsqu'il circule avec conscience, il devient le reflet de la reconnaissance, de l'estime et du lien entre les êtres. On peut le donner en échange d'un savoir, d'un service, d'un soin, d'une transmission… non pas comme une dette à régler, mais comme un acte de gratitude.
Donner, c'est honorer ce que l'on reçoit. Recevoir, c'est accueillir ce que l'autre a offert avec cœur. Entre les deux, il y a un espace de confiance, d'équilibre et de justesse.
Lorsque cet échange est fluide et juste, il nourrit tous ceux qui y participent — au-delà de la matière. Il devient alors un acte sacré, porteur de respect et de reconnaissance mutuelle.
# # Quand l'énergie donnée devient offrande au système
J'ai investi du temps, de l'énergie, de la passion pour créer mon activité — avec l'élan sincère de transmettre, de partager, d'apporter quelque chose d'utile et de vivant.
Mais aujourd'hui, un constat s'impose : une grande partie des ressources que je mobilise ne nourrit pas directement ce lien humain, ni le cœur de mon travail. Elles sont absorbées par les rouages d'un système :
les frais de société, les algorithmes des réseaux sociaux, la visibilité conditionnée par le référencement Google, les outils numériques qui exigent toujours plus pour exister...
Ce que je donne finit trop souvent dans les poches des géants du web, des plateformes invisibles qui dictent les règles d'un monde où la valeur se mesure en clics et en conversions.
Alors je m'interroge : comment retrouver un équilibre juste ?
Comment réancrer l'économie dans le vivant, dans le lien direct, dans le respect de l'humain et du sens ?
Créer, oui. Offrir, oui. Mais pas à perte de soi.
Créer à perte de soi, c'est alimenter un système qui nous épuise. C'est produire sans fin pour nourrir des algorithmes insatiables, c'est courir après une visibilité qui nous éloigne de notre essence, c'est disperser notre énergie dans mille directions au lieu de la concentrer là où elle porte vraiment du fruit.
Offrir à perte de soi, c'est donner par obligation plutôt que par élan, c'est brader son savoir pour être "accessible", c'est accepter que notre temps et notre expertise soient sous-évalués par un marché qui ne comprend pas leur véritable valeur.
Je crois en une autre voie : plus sobre, plus alignée, plus libre.
**Une voie qui privilégie la qualité à la quantité.** Plutôt que de multiplier les contenus, créer moins mais mieux. Plutôt que de chercher mille élèves, accompagner profondément ceux qui sont vraiment prêts à recevoir.
**Une voie qui fait confiance au bouche-à-oreille authentique.** Laisser ceux qui ont été touchés porter la parole, naturellement, sans artifice. La vraie reconnaissance se transmet de cœur à cœur, pas d'écran à écran.
**Une voie qui ose demander le juste prix.** Parce que la gratuité systématique dévalorise autant celui qui donne que celui qui reçoit. Parce qu'un échange équitable honore la valeur de ce qui est transmis.
**Une voie qui privilégie le direct au virtuel.** Retrouver le contact, l'espace partagé, la respiration commune. Ce qui ne peut pas être remplacé par une vidéo.
Cette voie existe. Elle demande du courage, de la patience, de la confiance. Mais elle nourrit vraiment, au lieu d'épuiser.
# # Et si on parlait vrai ?
J'ai consacré vingt années de ma vie à étudier, à explorer, à incarner le yoga. Pas seulement ses postures, mais toute sa profondeur, son essence, son souffle invisible. J'ai été formée rigoureusement, j'ai pratiqué dans le silence, dans l'ombre, parfois dans l'humilité des remises en question, parfois dans la joie intense d'un instant de vérité vécu avec un élève.
Tout cela, je l'ai fait pour pouvoir transmettre.
Pas pour reproduire des gestes mécaniques.
Mais pour accompagner des êtres humains vers une rencontre avec eux-mêmes, vers un alignement intérieur, vers un apaisement durable.
Puis est arrivé le monde d'après. Celui du Covid, des confinements, de l'explosion du "tout en ligne", des vidéos de yoga à profusion. Un flot d'images, de contenus, de professeurs autoproclamés.
Un monde de consommation rapide, où l'on "fait du yoga" comme on ferait une recette express.
Et moi, dans ce vacarme numérique, je me suis tue.
Pas par amertume. Par lucidité.
Je vois que mes cours se vident. Que les demandes s'effacent. Que la présence, la vraie — celle qui soigne, celle qui écoute, celle qui ressent — n'est plus au cœur de la pratique.
Or, c'est dans le présent, dans le regard, dans le silence partagé d'un espace sacré, que tout se transmet vraiment.
Une vidéo ne corrigera jamais une posture qui blesse.
Un écran ne captera jamais le souffle coupé d'une émotion.
Et un algorithme ne reconnaîtra jamais la profondeur d'une relation humaine.
Je ne cherche pas à suivre la tendance.
Je cherche à rester fidèle à ce que j'ai reçu.
Et à ce que je suis : une passeuse de conscience, pas une influenceuse du bien-être.
Alors je me tiens là, debout, parfois fatiguée, souvent blessée par l'indifférence d'un système qui valorise le visible, l'immédiat, le vendeur. Mais debout tout de même.
Parce que je sais que viendra un temps où l'on cherchera à nouveau ce qui est vrai.
Et ce jour-là, je serai prête.
Encore.
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C'est en cela que le véritable échange se fait.
Quand le donner et le recevoir ne sont plus séparés, mais s'ajustent l'un à l'autre, dans un mouvement vivant, fluide, conscient.
Il ne s'agit plus de donner pour obtenir, ni de recevoir par besoin, mais d'entrer dans une danse subtile où chacun nourrit l'autre.
Dans cette justesse, quelque chose s'aligne.
Et c'est là que l'énergie circule vraiment, au-delà des mots, des formes et des systèmes.
**Time Life Yoga Institut**