
11/10/2023
"J'ai demandé au directeur, il est d'accord"...
E. est une enfant de 8 ans, porteuse de troubles du spectre autistique.
Elle se montre vive, tant sur le plan verbal que corporel. Au-delà de cette vivacité, c'est aussi une agitation qui semble l'animer, l'amenant à questionner, presque sans cesse, sur ce qu'elle doit faire et ce qui va se passer ensuite, là, juste après, et puis dans 1h, ce soir, demain, etc...en dehors de ces litanies, on observe aussi qu'E. a souvent mal, au ventre, ou des irritations sur la peau.
A travers ce temps passé ensemble il est question de porter son attention sur soi. Elle se saisit sans crainte d'un instrument de musique en métal, qui résonne longtemps. Elle part explorer des possibilités de jeu toutes plus surprenantes les unes que les autres. Assister à ça, c'est comme de la voir manches retroussées et lampe frontale allumée, creusant un tunnel en quête d'un trésor caché qu'elle seule va trouver.
Progressivement son agitation décroît. Sa parole se fait plus espacée. La communication devient moins verbale, plus occasionnelle, davantage sous forme de gestes, de regards, parfois de sourires, de grimaces, le tout accompagné de silence.
Quand arrive la fin de la séance, E. n'a pas envie de s'arrêter. Elle continue et dit "j'ai pas envie qu'ça s'arrête, j'voudrais qu'on enlève la fin".
Tentant de répondre quelque chose, je finis par trouver qu'il n'y a rien à répondre. Que c'est légitime, de vouloir enlever la fin, et admirable de le dire. C'est ça que je lui dis: que c'est bien de le dire.
L'agitation qu'elle avait mise entre parenthèse le temps de la séance commence à refaire surface et elle lance:
"j'veux qu'on annule la fin. J'ai d'mandé au directeur, il est d'accord".
Le silence qui suit me surprend, autant qu'elle sans doute.
Je l'attends, la laisse finir à son rythme.
La question de la fin pose question pour E., le sens qu'elle lui donne lui appartient, comme pour nous toutes et tous.
La coupure que je propose ne se fait pas comme prévu et c'est bien cela qui va cheminer jusqu'à la prochaine séance.
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Nos agitations intérieures nous secouent et peuvent s'imposer, faire partie de notre équilibre tant que nous considérons que ça ne puisse pas être autrement.
Dans le cas de personnes atteintes de troubles mentaux ou psychiques, ces agitations amènent de la fatigue, physique et mentale, et peuvent aussi amener d'autres difficultés.
Que faire de ces agitations ? Y mettre fin ? est-ce qu'annuler cette fin-là, ce n'est pas simplement repousser une échéance indéfiniment ?
Nous pensons qu'il est possible de mobiliser les agitations pour en faire quelque chose, peut-être s'en servir pour retrousser ses manches et partir en quête de son trésor, à l'image d'E...
Je nous laisse réfléchir...à l'infini...
..Autant qu'au fini...