09/07/2019
Burn out en Happyland.
La lucrative industrie du bonheur aurait des effets pervers qui commencent à être démontrés.
En effet, Il existe de nos jours une obligation à être heureu.x.se. ce qui induirait une certaine culpabilité chez ceux qui ne le sont pas. A l'heure où est prônée la croissance personnelle, la pensée positive, le sens de la performance, la gestion de l'inconscient, être triste, ressentir des sentiments négatifs, ne pas être assez opérationne.l.elle. serait perçu comme un signe de faiblesse, de manque de volonté, de manque d'implication et de motivation. Ne pas être au top de soi, avoir le mal de vivre serait même le signal d'une éventuelle dys-fonctionalité. J'accueille dans mon cabinet un nombre grandissant de personnes en situation de burn out qui ne présentent bien souvent pas une antériorité d'antécédents psychologiques ou psychiatriques. Ils arrivent en colère après eux-mêmes, en perte de confiance, émotionnellement vidés, et bien qu'épuisés ils se reprochent un manque de performance, d'adaptabilité, de réactivité, de rentabilité : "Pourtant j'ai été en stage payé par mon entreprise, j'ai vu un coach en développement personnel, j'ai fait de l'hypnose, de la méditation, j'ai vu un énergéticien, je fais du yoga, de la sophrologie, du gigong, de la kinesiologie, de la gestalt, de l'hypnose, de l'acupuncture ...... Ça m'a un peu aidé mais quelque chose ne va pas chez moi, je n'y arrive plus!"
Le burn out est reconnu officiellement comme une maladie . Toutefois, il m'a paru intéressant à la lumière de tout ce que j'entends de prendre le contre-pied et de me questionner de la manière suivante :
- Et si le "burn out " au lieu d'être considéré comme une faiblesse à soigner, un symptôme à traiter, une non-adaptation source de honte était à appréhender comme le moyen de faire le point et d'envisager éventuellement une autre trajectoire ?
- Et si le "burn out " était plutôt le signal d'alarme d'une santé psychique à la fois saine et réactive?
Face à la fétichisation du bonheur, de la performance, le mal être serait alors à appréhender non pas comme un manque d'implication et de mental, mais comme un message à entendre, un sursaut de vie.
Loin d'être le fruit d'un dérèglement individuel, le burn out est avant tout ancré dans un dysfonctionnement sociétal, organisationnel, budgétaire sur lequel il n'y a bien souvent aucune prise. Nombre de personnes rencontrées sont épuisées émotionnellement, physiquement, mentalement et décrivent leurs conditions de travail comme dénuées d'humanité et de sens. Toutes sont conscientes de leur impuissance à influer sur le système.
Quelle est dans cette configuration notre action de cliniciennes?
Le burn out étant entre autres mais avant tout une souffrance émotionnelle, nous aidons à pointer et décrypter les émotions qui sont autant de messages sur ce qui se passe à l'intérieur de soi. À l'heure des open spaces et de la dépersonnalisation au profit du collectif, de la rentabilité, les émotions viennent mettre une limite, aider à se recentrer, retrouver sa lucidité pour mieux appréhender sa trajectoire de vie. Il est à rappeler que le burn out ne se soigne pas tel une pandémie dont les symptômes sont hiérarchisés, codifiés, traités. Une personne souffrant de burn out vient déposer avant tout son désir de trouver un mode de vie respectueux de son humanité, de ses codes et de ses besoins.
Pour nous, psychologues cliniciennes se pose un problème éthique:
- Toutes les offres, (Livres, conférences, stages, thérapies) consacrées à la performance, au mental, ne rentrent-elles pas dans le piège du système ambiant en favorisant à coup de techniques la sur-adaptation qui a pour conséquence perverse de permettre le non-changement en profondeur du système actuel de travail?