30/09/2025
En Inde, il existe une méthode bien réelle, vieille de plusieurs siècles, pour capturer les singes.
On dépose une boîte au sol, on y perce un trou juste assez grand pour qu’une main puisse s’y glisser, et à l’intérieur, on dépose une boule de riz.
Le singe approche, attiré par l’odeur, intrigué par ce qui scintille au fond. Sa main s’étire, se faufile dans le trou, s’empare du riz… et soudain, il est prisonnier.
Car avec le poing fermé, impossible de se libérer.
Il suffirait pourtant de lâcher. D’ouvrir la main, de renoncer.
Mais il s’accroche. Il résiste. Il refuse de céder.
Et c’est ainsi qu’il se fait capturer : non pas par la boîte, mais par son propre attachement. La prison n’est pas extérieure. Elle est dans son poing fermé.
Ce piège, aussi simple qu’ingénieux, nous parle de nous avec une clarté désarmante.
Nos cages ne sont pas de fer, elles sont de chair.
Un poing crispé autour d’un souvenir.
Un cœur verrouillé sur une blessure.
Une pensée qu’on serre comme un talisman, et qui devient un cadenas.
Nous appelons cela "tenir bon".
En réalité, c’est nous qui sommes tenus.
Par une colère, par un amour qui s’effrite, par une croyance qu’on confond avec un abri.
Et pendant que nous gardons nos doigts verrouillés, la vie murmure :
"Ouvre la main !"
Mais ouvrir la main nous effraie.
Nous croyons que desserrer l'étreinte, c’est perdre.
Que relâcher, c’est renoncer.
Que laisser partir, c’est se vider.
En vérité, lâcher, c’est respirer.
C’est rouvrir la porte de la geôle dont nous détenons nous-mêmes la clé.
Ce que nous appelons vide n’est pas une absence, mais un espace.
Un espace où peut entrer la lumière, où peut jaillir l’inattendu.
Bouddha disait : "L’attachement est la racine de la souffrance."
Et mon cher Rumi, des siècles plus t**d, confirmait ce même enseignement sous une autre forme :
"Essaie de ne pas t’accrocher à ce qui s’en va, car ce qui s’en va laisse la place à ce qui vient."
Alors, la vraie question n’est pas : "Que vais-je perdre si je cède ?"
Mais plutôt : "Que suis-je en train de perdre en m’accrochant ?"
Une main fermée comme une forteresse garde, mais n’accueille jamais.
Une main ouverte, elle, devient un Graal.
Elle n’est plus crispée sur ce qu’elle connaît déjà, elle est disponible à ce qu’elle ignore encore.
C’est là le secret du lâcher-prise : il ne nous appauvrit pas, il nous transforme.
Il fait de nous des vases, prêts à être emplis.
Alors posons-nous la question : quelles sont nos boules de riz ?
Quels sont ces faux trésors que nous tenons si fort qu’ils nous empêchent de nous envoler ?
Quelles histoires, quelles peurs, quelles illusions serrons-nous entre nos doigts comme si elles étaient vitales ?
Et si, l’espace d’un instant, nous osions relâcher ?
Peut-être découvririons-nous que nous n’avons rien perdu… mais simplement retrouvé nos ailes
Merci Saad El Moussaïr pour cette belle histoire qui parle à tous.