
15/05/2024
Dans les profils de TDAH “classiques”, les premières manifestations ou premiers symptômes d’agitation, d’inattention et/ou d’impulsivité sont régulièrement observés avant l’âge de 7 ans, mais leur retentissement fonctionnel est mineur ou peu problématique (Vantalon, 2014). Le TDAH est, ainsi, le plus souvent diagnostiqué durant la scolarité primaire, plus précisément vers l’âge de 9 - 10 ans selon les statistiques, lorsque les signes d’inattention deviennent davantage visibles et commencent à représenter une réelle entrave au fonctionnement et au développement de l’enfant (DSM-5, 2013 ; HAS, 2015).
Jusqu’à ces dernières années, les professionnels ne posaient pas de diagnostic de TDAH, notamment parce que l’on considérait que le retentissement qui pouvait être occasionné par les symptômes était inexistant ou, à tout le moins, difficilement observable et objectivable avant l’entrée en primaire, celle-ci entraînant diverses contraintes comportementales et collectives qui rendaient les manifestations plus problématiques (Vantalon in Bange, 2014).
L’agitation et l’impulsivité font, en outre, partie intégrante du développement de l’enfant et il peut donc être difficile de distinguer l’hyperactivité de l'énergie et l’exubérance “ordinaires”, observées chez près d’un enfant sur deux entre 3 et 6 ans et considérée comme des variantes normales du développement (Romano, 2006 ; Bange, 2014). Dans bon nombre de cas, un apaisement spontané est constaté au fil des années et donne lieu à une “normalisation” des comportements avant la fin des maternelles (Vantalon, 2014).
Ainsi, bien que de nombreux parents d’enfants TDAH puissent observer la présence d’une activité motrice marquée - voire excessive - dès la petite enfance, celle-ci sera bien souvent considérée, dans un premier temps, comme “normale” ou “non problématique” compte tenu du niveau de développement et des grandes variations comportementales que l’on observe avant l’âge de 4 ans (DSM-5, 2013). Dans ce cas, la prudence diagnostique est de mise et c’est l’évolution de la fréquence, la durée et l’intensité des manifestations, ainsi que la question du retentissement qui permettront de faire la part des choses entre l’aspect pathologique ou non des symptômes observés (Leblanc, 2009).
Cependant, chez certains enfants, des manifestations claires sont observables avant l’entrée en primaire et représentent, déjà, une nette gêne fonctionnelle pouvant donner lieu à des difficultés majeures dans le quotidien, tant en milieu familial que sur le plan scolaire ou relationnel.
De façon générale, les critères du DSM peuvent être appliqués aux enfants d’âge préscolaire (Wolraich et al., 2011), mais le tableau clinique du TDAH avant l’âge de 6 ans est essentiellement comportemental. L’inattention est, en effet, souvent difficile à observer ou à objectiver à cet âge et ce sont les comportements externalisés qui dominent, tels que l’agitation, l’impulsivité, la désobéissance, le non-respect des règles et des limites, l’agressivité, etc. (Egger et Angold, 2006 ; Bange, 2014). Un manque de prudence (prises de risque, accidents domestiques, blessures), des réactions émotionnelles extrêmes et disproportionnées, des difficultés à faire preuve de coopération dans les activités ludiques, des relations souvent conflictuelles avec les pairs (brutalité, comportements hostiles) des difficultés comportementales et académiques en classe (attitudes perturbatrices, lacunes dans les apprentissages - notamment au niveau du graphisme), ainsi qu’un manque d’autonomie dans les routines quotidiennes sont également fréquemment observés (Posner et al., 2007 ; Vera, 2015 ; Brown, 2019)*.
Le TDAH à début précoce est généralement caractérisé par un important retentissement, à la fois familial, social et scolaire. Les parents expriment un épuisement important et des difficultés majeures dans la gestion des comportements de leur enfant, ainsi qu’un sentiment d’incompétence et un stress élevé constant. (Vantalon in Bange, 2014).
Malgré la grande variabilité interindividuelle des manifestations d’inattention, d’agitation et d’impulsivité en bas âge, il est essentiel de pouvoir détecter un éventuel trouble aussi précocement que possible, cet aspect pouvant avoir un impact important sur le pronostic et l’évolution du trouble. Un re**rd de diagnostic augmente, en effet, le risque d’absence de prise en charge ou d’intervention inadaptée, lequel peut conduire à une aggravation des manifestations et de leurs retentissements, tant sur le plan psychologique, que familial, scolaire ou social. (HAS, 2015)
Les recherches nous indiquent, par ailleurs, que le TDAH diagnostiqué avant l’entrée en primaire serait particulièrement à risque d’évoluer vers une forme sévère et nettement plus sensible à l’apparition de comorbidités (Lahay, 2005 ; Posner et al., 2007 ; Bufferd, 2012). Près de 70% des enfants concernés présenteraient, en effet, un trouble comorbide, plus spécifiquement le Trouble Oppositionnel avec Provocation (près de la moitié des cas), un trouble du langage et/ou un trouble spécifique des apprentissages (environ 20% des cas) ou un trouble anxieux (environ 15% des cas) (Connor, 2003).
Par conséquent, il est non seulement possible, mais aussi largement recommandé de diagnostiquer un TDAH avant l’âge de 7 ans lorsque le fonctionnement de l’enfant remplit les critères diagnostiques. La plupart du temps, le TDAH précoce correspond à une forme sévère de la pathologie, marqué par une intensité augmentée des symptômes et une polycomorbidité. Une identification précoce apparaît donc indispensable pour accompagner au mieux l’enfant et son entourage le plus tôt possible et limiter, ainsi, le risque de majoration des symptômes ou d’évolution péjorative.
* Il est à noter qu’un manque d’information, voire même une ignorance du tableau clinique “préscolaire” du TDAH participerait également à l’absence de diagnostic dans cette tranche d’âge (Leblanc, 2009).