11/11/2025
Un témoignage nécessaire, on parle trop peu du choc lors de l'annonce du cancer.
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Préface
La terreur, la peur et la colère de l’annonce : le besoin de se reconnaître dans les témoignages.
Lorsqu’une femme apprend sa maladie, elle se retrouve souvent face à un mur de bienveillance et, il faut le dire, dans un certain déni collectif.
Partout, dans les livres, les blogs, les articles, les réseaux sociaux, on lit : « Aujourd’hui, le cancer du sein se soigne très bien », « Tout va bien se passer », « C’est une épreuve qui va vous rendre plus forte.”
On parle trop peu de l’effondrement total que représente une telle annonce : quand une femme apprend qu’elle a un cancer, tout s’arrête, le monde se fige, les bruits s’éteignent, les mots ne font plus sens, le monde devient gris, c’est une catastrophe intime, brutale, silencieuse.
On lit des témoignages dont la terreur de l’annonce a été « gommée » par la guérison, et c’est heureux pour ces femmes guéries d’oublier cette épreuve, mais ne pas en parler isole celles qui chaque jour font face à cette annonce et vont rechercher des témoignages de ce séisme intérieur, dont on ne mesure pas encore l’ampleur. A ce moment-là il n’y a rien de positif ni de leçon de vie : il y a juste la peur, la sidération, la colère, la solitude, l’incompréhension.
Se réveiller chaque matin avec ce mot dans la tête, sans réponse claire, sans savoir à quelle vitesse la maladie progresse, sans savoir ce que sera l’avenir ; plus de contrôle sur son corps ni même sur ses émotions, sur son foyer que l’on emmène froidement dans ce tourbillon.
Et on lit que suite à cette maladie des femmes ont changé de vie désormais plus belle… mais beaucoup n’avaient pas besoin de tomber malade pour comprendre la valeur de leur vie, imparfaite peut-être, mais belle, construite jour après jour par elles-mêmes et non décidée par un comité médical.
On dit souvent aux femmes qu’elles sont des guerrières, mais elles veulent juste vivre en paix.
Ces mots, combat, bataille, guerrière, sont violents, inadaptés, ils supposent qu’on puisse perdre, alors qu’il s’agit de vivre, de guérir. Parler de guerrière, c’est surtout ne pas parler de malade, de perte de contrôle.
Oui bien sûr, il y a des femmes qui vivent cette maladie comme un nouveau défi, certaines parviennent à accueillir les soins comme ils viennent, à continuer leur vie, à faire du sport pendant les traitements, à voyager, à sortir, à sourire encore, et c’est admirable, c’est vrai.
Mais d’en faire la norme est une erreur, rendre visibles les réussites est important, oui, pour donner de l’espoir mais en faire le visage unique du cancer c’est étouffer la souffrance réelle de toutes celles qui le vivent autrement, c’est involontairement culpabiliser les femmes déjà en souffrance.
Et puis, il faut oser le dire : cette version lissée, héroïque, positive du cancer rassure le monde, parce qu’elle fait moins peur, parce qu’elle est plus vendable, plus partageable,
La vérité, c’est que toutes les femmes qui traversent cette maladie sont courageuses : qu’elles sourient ou non, qu’elles marchent ou s’écroulent, tremblantes de peur ou non, et il faut pouvoir le dire sans honte, sans sourire forcé, sans hashtag optimiste, le cancer ne rend pas forcément plus forte, Il laisse parfois des cicatrices visibles, mais aussi invisibles.