01/11/2025
🌑 Troisième Nuit — La Vision
La dernière nuit de Trí na Samhna plongeait le monde dans un silence habité.
Les grands feux allumés la veille brûlaient désormais lentement, réduits à des braises rougeoyantes, veillant comme des cœurs encore palpitants au milieu de l’obscurité.
Le tumulte des célébrations s’apaisait, et un sentiment de mystère s’étendait sur la terre.
C’était la Nuit de la Vision, celle où l’on ne cherchait plus à agir, mais à écouter.
Les druides et les voyants se retiraient dans la quiétude des bois ou des cercles de pierre.
Là, ils observaient le feu mourant, le jeu des flammes et la danse des étincelles, autant de langages du destin.
Chaque craquement du bois, chaque souffle du vent dans la brume pouvait porter un message.
Les étoiles étaient également lues comme un texte sacré : leur disposition révélait les présages du cycle à venir, les hivers rigoureux, les récoltes abondantes ou les temps d’épreuve.
Les jeunes et les voyageurs cherchaient aussi à percer les signes du futur.
Ils se livraient à de petits rituels divinatoires, hérités des anciens :
jeter une pomme dans l’eau et lire l’avenir dans ses cercles,
observer le reflet de la lune dans un bol d’argent,
ou glisser sous l’oreiller des feuilles de sureau, d’aubépine ou de noisetier, afin de rêver le visage de leur destinée.
Car cette nuit n’était pas seulement celle de la prophétie, mais de la rencontre intérieure : un dialogue entre l’âme et l’invisible.
Les voiles entre les mondes étaient à leur plus fin, et ceux qui demeuraient en silence pouvaient sentir la présence des esprits anciens, non pas comme des ombres à craindre, mais comme des guides, porteurs de clarté et de paix.
Dans le souffle du vent, dans la flamme tremblante, certains percevaient des paroles sans voix, des images venues d’ailleurs, des intuitions fulgurantes.
On disait que ces visions, si elles étaient accueillies avec pureté, guidaient le cœur tout au long de l’hiver et semaient la graine du printemps à venir.
Lorsque l’aube grise se levait enfin sur la troisième nuit, Samhain touchait à sa fin.
Le silence s’emplissait d’une lumière nouvelle, timide mais vivante.
Après la Mémoire et le Passage, venait la Vision, la compréhension que la mort n’était qu’une métamorphose, et que, dans la nuit la plus longue, la promesse du renouveau reposait déjà, invisible mais certaine.
Ainsi s’achevait le grand cycle :
le feu du monde ancien s’éteignait,
et dans les cendres chaudes de Samhain,
le premier souffle du nouveau soleil commençait à naître.
Marjorie