21/08/2025
LETTRE A ENVOYER AUX MINISTRES, DEPUTES, SENATEURS DES PHARMACIENS DU COLLECTIF SANTE EN DANGER:
💥 La crise en quelques chiffres
➡️ Risque de fermeture de 3.000 à 6.000 structures sur un
total actuel de 20.000 soit près de 30 %
➡️ 20 à 30.000 postes menacés en direct et sûrement plus
de 100.000 indirectement !
➡️ 1% des médicaments vendus (les plus chers) représentent
en réalité 30 à 40 % des dépenses de santé lié aux
médicaments !
➡️ Part des médicaments dans les dépenses de santé : 14 %
dont 10% en ville (chiffres de 2022)
➡️ Economie généré par les génériques : 1,6 Milliards / an
(Chiffres 2025)
➡️ Taux d'endettement moyen des officines :
38 % sur des emprunts de 1.500.000 € en moyenne
➡️ Coût des ruptures pour notre réseau : 200.000.000 €,
soit une perte journalière de près de 800.000 €
➡️ Perte suite à la baisse des remises de génériques :
500.000.000 € soit un effort moyen de près de
35.000 € par officine !
Objet : Notre vive inquiétude face à la réduction du plafond des remises sur les génériques
Monsieur le Ministre,
Voilà plusieurs semaines, nous avons pris connaissance de la volonté de votre gouvernement de réduire le plafond des remises que nous obtenons sur les médicaments génériques, et ce sans
autre forme de concertation que nous mettre, pour ainsi dire, devant le fait accompli, comme cela vient d'être acté avec la publication du décret le mercredi 06/08/25;
Vous n’êtes pas sans savoir que ces remises ne sont aucunement un cadeau, mais le fruit d’un accord de branche entre l’Assurance Maladie et notre profession afin que les finances sociales
soient moins impactées par le coût des médicaments, tout en garantissant des ressources à nos entreprises de santé, mêmes entreprises sur lesquelles vous vous êtes appuyées lorsque cela c'est avéré nécessaire !
Les raisons derrière cette décision semblent floues : s'agit-il de favoriser les industriels pharmaceutiques, ou de négocier une énième baisse des tarifs de remboursement, voire une
augmentation de la clause de sauvegarde?
La clause de sauvegarde est, pour rappel, une énième taxe destinée aux industries pharmaceutiques, les pénalisant d'avantage (si elles en avaient encore besoin) nous privant toujours plus de fabrication
sur notre sol (il est vrai que garder une certaine souveraineté sur ce plan n'est pas d'une importance notable, comme cela a pu être souligné par un certain E. Macron un mardi 13 juin 2023, surtout au
vu de certaines déclarations de dirigeants d'autres pays) ?
Si la première option semble relever du complotisme et confirmerait un discours discriminant les plus modestes, la seconde, que nous préférons croire, est vouée à engendrer de nombreux
problèmes, à titre de destruction d'emplois ou d'entreprises, d'une diminution de la prise en charge des malades, pouvant aller jusqu'à des hospitalisations, voire des décès.
Nous voulons croire, pourtant, que votre vocation est de servir le plus grand nombre.
[... ]
Notre profession est déjà énormément sollicitée, et volontaire pour participer à l’évolution du système de soins, volontaire pour aider la population à accéder aux soins, volontaire pour faciliter le travail des caisses d’assurance maladie.
Pourtant, cette réduction des remises entraînera mécaniquement une baisse de nos marges, qui dépendent en grande partie des génériques. Après le combat de nos confrères pour faire accepter
les dits-génériques auprès des patients, non sans heurts avec en contrepartie une valorisation du prix d'achat avec une remise de 40% pour pouvoir financer la baisse des dépenses de santé publique auprès des pharmacies, vous voilà revenir sur cet accord sans aucune concertation avec les gens de terrain, nous même qui vivons ces ruptures au quotidien. Cela pourrait conduire, au mieux, à une restructuration de nos équipes et à des licenciements, et au pire, à la fermeture de structures déjà fragilisées par des coupes budgétaires successives subies par notre profession au cours des deux dernières décennies.
Sans que cela soit exhaustif ni trop rébarbatif, voici une liste de tâches qui nous incombent avec souvent une rémunération inexistante ou au mieux sans adéquation avec le travail effectué, et
dont la pérennité ne sera peut être pas assurée faute de moyens :
Les dépistages (angine, grippe, Covid, cystite, diabète , tension...)
La sécurisation des ordonnances (médicaments chers, analogues des AGLP-1, e-prescriptions, vérification de l'identité du patient, gestion des ordos dématérialisées type doctolib, double contrôle avec le prescripteur de certains médicaments nécessitant un suivi
type clozapine ou isotrétinoïne ...)
L'avance des frais via le tiers-payant avec des risques de rejets souvent incompréhensibles (limitation du travail du personnel de la sécurité sociale)
Les livraisons aux personnes âgées ou dépendantes, souvent gracieusement au vu de leur situation précaire.
La gestion des urgences bénignes (pansements lors d'une chute, appel des secours et leur gestion en cas de malaise ..)
Pro activité dans la prévention (vaccination et prescription des vaccins, s'assurer de la bonne compréhension de l'usage du traitement et de la raison de celui-ci ...)
La PDA pour les EHPADS
...
Il est vrai que depuis un certain temps notre profession a fait preuve d'une certaine résilience, comme bon nombre de Français d'ailleurs, face à vos coups de boutoirs répétés mais nous appelons à que cela cesse, et à revenir à des discussions apaisées et constructives avec nos représentants.
En l'absence, et au regard des arguments étayés qu'il nous semble vous avoir fournis et du profond mécontentement dans nos rangs, nous craignons la mise en place d'actions dont le désagrément se
fera sentir avant tout sur l'ensemble de nous patients que pourtant, nous défendons.
En l'espèce, demain nous pourrions cesser d'alimenter les EHPADS en piluliers, boycotter la délivrance des produits chers, faire grève (ce qui pourtant n'est pas réellement dans notre ADN) voire refuser de faire le tiers payant, comme cela se pratique actuellement lors des gardes pour lesquelles nous sommes réquisitionnés, mais je ne doute pas de votre connaissance des mots d'ordre de nos syndicats.
👊 LES PISTES D'AVENIR
🟩 Bien sûr, nous sommes conscients que les finances de l''État ne sont pas dans une situation idéale, c'est pourquoi nos avançons ici quelques pistes, non exhaustives et dénuées, à notre sens, de
toute démagogie, qui ne sont en aucun cas révolutionnaires car certainement formulées par d'autres.
Néanmoins, et en préambule, l'essentiel des dépenses de santé, du moins au sein de nos pharmacies, est liées à des thérapeutiques innovantes certes, mais toujours plus onéreuses.
Il ne nous semble pas légitime de nous reprocher une situation sur laquelle nous n'avons que peu, voire pas, de contrôle, avec en plus un risque de se voir refuser le remboursement, et se voir obliger
de rembourser les frais.
🟩 Ainsi, il nous semble crucial de revoir fondamentalement la politique des prix des médicaments. Au sein même de l'UE, il existe une grande disparité de tarifs, ce qui crée une distorsion de concurrence à notre désavantage et est l'une des causes de l'augmentation des ruptures de traitement.
🟩 De même, certains produits bénéficient d'un tarif incohérent au regard de leur temps de commercialisation.
Le Vyndaquel, par exemple, serait le premier poste de dépenses au titre des médicaments, alors même que le laboratoire Pfizer, pour ne pas le citer, vient de demander une extension de brevet qui
se terminerait en décembre de cette année.
Que penser de l’autorisation de l’EYLEA avec un dosage plus fort, une Amélioration du Service Médical Rendu inexistante au moment où son biosimilaire est sur le marché ? Pourquoi a-t-il été
remboursé ?
Il nous semble d'autant plus important de parler de ce fait au regard du fait que1% des médicaments vendus représentent en réalité 30 à 40 % des dépenses santé lié à ces médicaments, avec une marge proche de 0 pour nous (98 € au delà de 1.930 €)
🟩 Vous semblez souhaiter sensibiliser les patients au coût des traitements et des soins en général, au regard de vos velléités à augmenter la franchise médicale et de surcroit nous ordonner
de la collecter pour vous (car il s'agit bien d'un ordre quand nous sommes confrontés à l'annonce de la mesure via les médias et les réseaux sociaux, nous vous remercions d'ailleurs d'avoir été moins
cavaliers en ce qui concerne votre résolution sur la remise de nos génériques, en nous octroyant gracieusement un délai de 10 jours pour nous préparer à l'annonce !)
Nous pensons que l'usage systématique du tiers payant a eu pour effet pervers de rendre la santé gratuite, terme que nous entendons souvent à nos comptoirs, qui même si il semble en corrélation avec les finances de nos concitoyens ne semble favoriser la caractère éducatif que vous appelez de
vos vœux;
🟩 De plus, pourquoi ne pas facturer un forfait pour un passage intempestif aux urgences ? Ou bien autoriser 2 passages aux urgences, les suivants pouvant faire l’objet de facturation si ils ne sont pas justifiés ?
🟩 Ensuite, la prévention nous semble une piste essentielle pour une santé durable.
Il risque d'être difficile de la faire rentrer dans un tableau Excel, puisqu'au départ cela passe par des dépenses supplémentaires mais pour 1€ d'investi nous parlons jusqu'à 5€ d'économies.
Nous sommes un acteur clef de la prévention du fait de notre proximité avec nos patients, dont nous connaissons mieux leurs histoires que d'autres praticiens, du fait d'une plus grande disponibilité.
Travaillez avec nous pour étendre cette prévention plus avant, sans nous faire subir des coupes budgétaires.
🟩 Une autre piste passerait semble t'il par une diminution de la masse de personnel non soignant au sein de nos hôpitaux. Même si cela n'est pas en lien direct avec nous, il nous semble clair aujourd'hui que c'est tout le système de la santé qu'il faut revoir avant qu'il ne se grippe définitivement.
🟩 Nous pourrions évoquer les budgets des Agences Régionales de Santé, qui nous somment de leur répondre dans les plus brefs délais, alors qu'elle s'exonèrent de la pareille.
Pour en plus effectuer un travail parfois redondant avec les Communautés Professionnelles Territoriales de Santé, financer à grand coup de subventions et dont le but est de permettre aux
différents acteurs de se concerter puisque pluri-disciplinaires, dont vous promouvez l'adhésion.
Nous arrêtons là, au regard de la longueur de cette lettre, mais sachez que d'autres pistes demeurent en discussion au sein de notre communauté !
Comme vous pouvez le constater, nous pouvons être force de propositions, sans corporatisme, en espérant travailler dans le cadre d'un respect mutuel afin de sortir d'une crise aux conséquences nous semblant désastreuses.
En vous remerciant de votre lecture attentive,
Cordialement,
Les Pharmaciens du collectif Santé En Danger
La lettre au format PDF sur le groupe pigeons pharmaciens.
Merci de partager au maximum