22/05/2025
Les larmes exercent un fort pouvoir d'implication émotionnelle, à tel point que les éthologues les considèrent comme un facteur privilégié de sélection naturelle pour la survie. Elles provoquent souvent une réaction de soulagement, d'empathie ou de consolation chez les autres, tissant ainsi un lien silencieux mais profond entre les êtres.
Les bébés pleurent, mais ils ne versent pas de larmes pendant des mois. Pourtant, les larmes des adultes évoquent en nous le visage humide du nouveau-né, leur émotion brute, leur vulnérabilité absolue. Il y a dans chaque larme une mémoire archaïque, une empreinte de l’enfance et de l’appel à l’autre.
Les larmes sont un facteur psychique si précieux que les mythes et les rêves les décrivent comme des bijoux précieux ou de l'ambre doré, comme la pluie ou les rayons vitaux du Soleil. Elles débordent spontanément des réservoirs des sentiments les plus désespérés et les plus impétueux : la souffrance, la joie, la douleur, l'excitation, la passion, le soulagement, la peur...
Mais au-delà de leur charge émotionnelle immédiate, les larmes ont aussi une fonction cathartique : elles permettent à l'âme de se délester, de se purifier, de dire l’indicible quand les mots échouent. Pleurer, c’est parfois guérir. C’est laisser couler, avec l’eau salée du corps, une part du fardeau invisible que l’on porte.
Pourtant, dans de nombreuses cultures, les larmes sont aussi l’objet d’un tabou. On les cache, on les retient, surtout chez les hommes, comme si pleurer était synonyme de faiblesse. Cette pudeur émotionnelle, intériorisée dès l’enfance, réprime un des langages les plus authentiques du vivant. Et pourtant, ce que nous refoulons ne disparaît pas : il se tait, s'accumule, et attend le moment de s’exprimer autrement — souvent dans la solitude ou dans le silence du corps.
Les larmes sont donc un passage. Elles trahissent et révèlent, blessent et soignent, effraient et apaisent. Et peut-être est-ce là leur plus grand pouvoir : nous rappeler que nous sommes humains, vulnérables, et profondément reliés les uns aux autres.