18/11/2024
⭐︎Sharath Jois 1971-2024⭐︎
Aujourd’hui, l’Ashtanga dit adieu à son gourou.
Le terme, connoté négativement en français, a pourtant une signification positive dans son sens originel en Sanskrit : le gourou fait passer de l’ignorance à la connaissance, de l’ombre à la lumière. Dans le yoga, il amène l’élève à la connaissance de soi.
Sharath avait été initié et instruit par son grand-père Pattabhi Jois et s’inscrivait dans une lignée de gourous. Il était à ce titre dépositaire de connaissances, qu’il avait acquises non seulement en étudiant des textes, mais aussi par une pratique physique et respiratoire assidues, et des mots répétés à l’infini. Une manière propre au yoga et à d’autres traditions basées sur la répétition d’assimiler le savoir et de le rendre tangible, intégré dans le corps au-delà des livres.
Son décès inattendu à 53 ans laisse un vide à plein d’égard. Auprès de sa famille, de ses proches et de ses élèves directs, bien sûr, qui n’imaginaient pas que ce voyage aux États-Unis serait son dernier.
Il laisse aussi un vide dans la communauté de l’Ashtanga dans son ensemble. Son grand-père avait préparé son passage de relai pendant plusieurs années avant son décès à 93 ans. Avec le décès prématuré de Sharath, un point d’interrogation plane sur la communauté de l’Ashtanga : va-t-elle se rassembler ou, au contraire, se fragmenter un peu plus, en l’absence de successeur évident ? J’attends la suite avec une curiosité pleine d’espoir.
Je n’ai jamais vraiment eu pour projet d’aller en Inde étudier « à la source » comme disent certains. J’ai toujours eu l'impression qu'il était plus facile de s'y perdre que de se trouver. J'avais peur de revenir de Mysore pleine de doutes et d’insécurité. La pratique intimiste auprès de Claire Saunders, l’élève directe de Sharath, me correspond plus. Malgré l’éloignement géographique, j’ai l’impression justement d’être connectée à cette source sans avoir à me confronter à ces doutes et ces craintes.
Mais je sais aussi qu’il se passe des choses en Inde qui ne pourraient pas arriver en Occident, et la partie la plus curieuse en moi restait ouverte à cette expérience.
Je me réjouissais de la venue de Sharath en France l’été prochain sur l’invitation de Claire Saunders. J’avais l’intention de faire l’expérience de la pratique « à l’indienne » entourée de centaines de personnes, et peut-être réévaluer la possibilité d’aller étudier à Mysore et me confronter à cette peur de me perdre dans l’immensité.
Aujourd’hui, je fais le deuil d’une rencontre qui n’a pas eu lieu. Mais j’ai confiance en la suite. Le yoga a toujours su se réinventer tout en restant authentique, et c’est peut-être dans cette souplesse que réside sa plus grande force, à l’image des qualités que nous, yogis, tentons aussi d’acquérir par notre pratique.
Dans tous les hommages que je lis sur Sharath, une chose ressort, c’est son humilité et sa modestie malgré l’immense responsabilité que lui avait transmise son grand-père. Les signes d’un vrai gourou. Alors je lui dis merci, merci d’avoir été ce trait d’union qui a permis de faire voyager le yoga à travers l'espace et le temps jusqu’à moi. Cette pratique me remplit de joie au quotidien !
Aujourd’hui plus que jamais, restons connectés à la source !