21/03/2020
En ces temps de confinement, alors que notre MAM reste ouverte pour, en priorité, les enfants de personnels soignants et nos contrats en cours quand aucune solution de teletravail n'est offert. Nous souhaitons vous partager le témoignage d'un de nos amis, pour prendre toute la mesure du confinement et des gestes barrière.
Merci de vous protéger et de nous PROTÉGER ! De votre civisme dépend notre santé.
"Je viens d'apprendre la mort de mon grand père et je ne peux même pas aller lui dire un dernier au revoir !
Je ne peux pas car ce soir, je serai "au front" comme on le dit en ce moment. "Au front" ça veut dire, en réanimation pour m'occuper de 2, 3 peut être 4 patients dans un état grave, tous sont atteints par le SARS-COV2 que l'on appel plus communément COVID-19.
Cette maladie est ce que j'ai vu de pire en 20 années d'activités hospitalières. Voir des patients s'étouffer en quelques instants si l'on ne les place pas sous assistance respiratoire, des patients de tout âge, sans antécédent particulier. Pour certains, les voir mourir en 20 minutes ! Et nous ne sommes pas encore à saturation, je n'ose imaginer les jours à venir ...
Mais ce n'est pas mon métier qui me révolte aujourd'hui, c'est la bêtise humaine.
La bêtise d'une partie de la population qui n'a pas compris la gravité de la situation en ne respectant pas les règles de confinement et qui a imposé au gouvernement de durcir leur application ! (certainement pas assez d'ailleurs)
La bêtise que je vois sur mes trajets quotidiens pour aller au travail : des familles allant au stade pour "faire un foot", des amis se réunissant pour faire un barbecue dans le jardin de leur immeuble, des attroupements devant les tabacs, ...
La bêtise de ces personnes ne trouvant rien de mieux que de voler des masques pour les revendre à la sauvette dans les rues de ma commune. Le port du masque devrait être INTERDIT en france sauf sur prescription médicale.
Ce qui me révolte aussi c'est le manque de courage de nos dirigeants, trop nombreux prenant exemple sur le capitaine du Costa Concordia dans leur gestion de la crise.
Où sont-ils en ce moment ? Personne sur le "front" ?
Que font les équipes municipales pour faire respecter la loi ? Vont-ils même dans les rues faire de la pédagogie ou de la répression si besoin ?
Que font les politiques pour nous donner les moyens d'agir ?
Un exemple simple d'hier soir, il restait 35 kits de tests COVID pour notre clinique, aucun aux Hospices Civils de Lyon, et nous avions plus de 40 prélèvements en attente sans compter les urgences arrivant de toute la région Lyonnaise (y compris des hôpitaux publics).
Et je ne parle pas du matériel médical, des moyens de protection individuel pour les libéraux et hospitaliers, des conditions de travail qui vont aller de mal en pire, ...
La prise en charge en SMUR, en réanimation, aux urgences est extrêmement spécifique et malheureusement le nombre de personnel formé est limité. Tous les renforts ne remplaceront pas un personnel spécialisé et connaissant son service !
Ce qui me révolte c'est ceux qui profitent de la situation pour faire leur pub, leur gloriole ou des polémiques politiciennes !
Alors que pendant ce temps, nous, les professionnels de santé, avec les autres oubliés : caissières, routiers, livreurs, forces de l'ordre, ... nous nous battons contre un ennemi invisible sans les armes ou protections adaptées.
Un exemple simple de manque de considération : le parking de ma clinique (vide car les visites sont interdites) n'est accessible qu'à un petite partie du personnel ! Les autres doivent prendre les transports en commun (parfois plus d'une heure) alors que nous enchainons les gardes, que nous sommes couverts de virus, ...
Alors ce soir, ce sont les yeux plein de larmes et le coeur lourd que je serai à mon poste, mais avec la volonté de faire au mieux comme à chaque garde en laissant mes états d'âme au vestiaire ..."