10/09/2024
Où va se nicher la position haute ?
Je reçois en supervision des hypnos qui ont déjà quelques années d’expérience, avec parfois des formations initiales différentes – coach, psychologue ou psychiatre. Ce sont des personnes intelligentes (forcément, elles m’ont choisie comme superviseuse haha), sensibles et talentueuses.
Pourtant une difficulté revient de façon quasi systématique : le fait qu’à un moment, on arrive sur des « JE DOIS » :
- Etre efficace
- Savoir combien de temps / de séances ça va prendre
- Savoir quoi faire
- Savoir par quoi commencer / sur quoi travailler
- Faire de l’hypnose dès la première séance
Sinon quoi ? Sinon : je ne me sens pas légitime, ou efficace, ou performante, ou j’ai peur que la cliente ne soit pas satisfaite. Et si c’était un défaut de position basse et tri sur l’autre ? Je m’explique :
Je dois être efficace.
C’est quoi ? C’est proposer rapidement un changement visible.
Et si être efficace c’était l’inverse ? Ralentir, ne pas vouloir plus et plus vite que l’autre ?
Prendre le temps d’offrir cette chose si précieuse et rare : de l’écoute et de l’attention ?
Et si je pousse à peine le bouchon, si ça pouvait être de dire « Je ne vais pas répondre à votre demande maintenant (parce que si je le fais je vais devenir une partie du problème) ? Finalement : qui décide de ce qui est efficace ? Moi ou ma cliente ?
Je dois savoir combien de temps.
Mais comment savoir ? « Oui mais la cliente, elle me paie. » - Oui, et ? C’est son argent. Sa décision. Son choix. Et puisque cette question arrive souvent à la première séance, voire à la prise de rendez-vous, croyez-vous vraiment avoir tous les éléments pour pouvoir répondre ? Comment être alignée avec le fait de ne pas savoir ? Et s’il suffisait de poser la question ? Tout simple : « d’après vous, vous avez besoin de combien de temps ? »
Je dois savoir quoi faire.
Comme s’il n’y avait chaque fois qu’une possibilité. Nous avons des tas de techniques, protocoles, trames, outils, grilles de lecture. Comme disait un de mes formateurs, tout marche avec tout (même si on ne va pas régler un psychotrauma avec une désactivation d’ancre, mais c’est une autre histoire).
Pourquoi prendre seule la responsabilité de « savoir quoi faire » ? Là encore, il est possible de proposer, de décrire, d’évoquer : « On pourrait travailler de telle façon, ou encore comme ça, ou comme ça. Qu’est-ce qui vous parle le plus ? »
Je dois savoir sur quoi travailler.
Pourquoi serait-ce à nous de décider ? Qu’est-ce qui vous fait croire que vous sauriez mieux que votre cliente ce qui est bon pour elle ici et maintenant ? Bien sûr il y a toutes les compétences que vous avez, qui vous permettent par exemple de savoir qu’avec certaines personnes, il faut prendre le temps de créer de la sécurité avant toute chose, ou qu’il va falloir assouplir certaines croyances. Mais pourquoi devriez-vous savoir à la place de l’autre ce qui est prioritaire pour elle ? Pourquoi ne pas lui demander ? Par exemple : « Vous avez parlé de plein de choses, par quoi voulez-vous commencer ? » ou encore « Imaginez, on travaille ensemble et dans quelques heures, quelques jours, il y a quelque chose qui a changé. Pas spectaculaire, un petit truc concret qui vous fait sentir que vous allez dans le bon sens. Ce serait quoi ? »
Poser ces questions a de nombreux avantages.
Ça enlève la charge de la responsabilité de tous les choix et décisions de la séance. Nous sommes une force de proposition, nous déployons notre savoir-faire en fonction des choix et décisions de nos clientes. (Et entre nous, ça libère aussi de ce truc de toute-puissance qui traîne dans les coins, ça rapetisse le grand « S » sur le maillot bleu et ça détend. :)
Toutes ces questions qu’on ne pose pas ou qu’on n’ose pas poser parce qu’on « devrait savoir » sont typiquement des questions de position basse : je ne sais pas pour l’autre.
Et il n’y a pas que pour nous que c’est important. Pour nos clientes aussi.
Ces questions leur suggèrent qu’elles sont parties prenantes, qu’elles font le chemin avec vous. NOUS leur donnons les moyens d’avancer, ELLES décident de la direction, du rythme, du véhicule.
Nos questions les engagent à co-créer les séances avec nous.
C’est particulièrement utile avec des profils du genre référence externe-passives et négatives, type « Je suis venue parce qu’on m’a dit que ça marchait mais je n’y crois pas et je pense que je suis résistante ». Avec ces profils, si vous ne prenez pas le temps nécessaire pour qu’elles s’engagent et décident de vous faire confiance, vous allez droit dans le mur.
Toutes ces questions qu’on peut poser – qu’on devrait poser - sont autant d’autorisations et d’apprentissages pour nos clientes, et il me semble que ces questions sont, en soi, thérapeutiques : pour y répondre, vos clientes doivent être attentives à
- ce qu’elles ressentent,
- ce dont elles ont besoin,
- de quelle façon elles en ont besoin,
- par où elles veulent que ça commence,
- et comment elles ont envie que ça continue,
- etc. etc.
Ces questions nous renvoient aussi directement liées à l’idée ericksonienne selon laquelle nos clients ont toutes les ressources nécessaires.
Autrement dit, elles suggèrent à nos clientes qu’elles savent mieux que quiconque ce dont elles ont besoin. Laisser ces questions résonner, tenter d’y répondre au plus juste (même si c’est blanc un jour et noir un autre), est un apprentissage en termes de connaissance de soi, d’attention et d’écoute de soi, de responsabilisation vis-à-vis de leur transformation, de leur mieux-être. Poser ces questions suppose que nous avons confiance dans leur capacité à y répondre.
Ce qui peut être sacrément efficace. Non ?