
18/07/2025
RENFO POUR LA COURSE
Par le docteur Stéphane CASCUA
Médecin du sport, rédacteur en chef de www.docdusport.com
Le renforcement s’installe désormais les programmes de course à pied. Est-ce bien utile ? Etes-vous concerné ? Comment l’organiser ? Quels exercices privilégier ?
Votre médecin du sport se doit de vous indiquer que la première fonction du renforcement musculaire chez le coureur est la prévention des blessures. Préserver la santé articulaire constitue bien évidemment un gage d’assiduité et de régularité à l’entraînement. Modifier ses séances voire s’arrêter perturbent sérieusement la préparation et altère la performance ! Bonjour bobo, au revoir chrono ! De surcroît, la musculation du coureur améliore plus directement la performance. Elle peaufine le rendement : vous courez plus vite pour une même dépense énergétique. On parle d’économie de course. Elle améliore votre métabolisme musculaire. Vous pouvez augmenter votre dépense d’énergie.
Augmenter la force réduit les blessures !
Dans la littérature scientifique, les effets préventifs du renforcement musculaire sur la prévention des lésions de l’appareil locomoteur du runneur sont modestes mais significatifs. Il semblerait que la nature des exercices ainsi que la compétence de l’encadrement puissent expliquer des résultats divergents selon les études. Heureusement dans cet article, les conseils proviendront d’un médecin du sport rompu à la traumatologie de l’appareil locomoteur du coureur depuis 30 ans 😊… Les méthodes seront choisies en fonction d’un équilibre risques / bénéfices particulièrement favorable. Les recommandations pratiques seront simples et déclinables en toute autonomie si nécessaire.
FREINAGE DE L’IMPACT
L’amortissement de l’impact constitue la première explication concernant l’efficacité de la musculation pour limiter les lésions chez le coureur. En effet, toutes les contraintes mécaniques inhérentes à la réception de foulée amorties par le freinage musculaire seront soustraites aux chocs articulaires et osseux. On en déduit d’emblée une consigne clé. Lors des exercices, il faudra insister sur le ralentissement de la descente du poids. On ne le dira jamais assez. Le renforcement musculaire est ultra-spécifique sur l’ensemble de ses paramètres : On améliore la force de freinage en freinant le retour de la charge !
STABILISATION POSTURALE A TOUS LES ETAGES
De très nombreuses blessures sont provoquées par les oscillations intempestives du corps. Tensions musculaires et tendineuses excessives ainsi que désaxations articulaires sont à l’origine de très nombreuses lésions de surcharge. La notion de gainage se décline de haut en bas. Le buste bien-sûr pour stabiliser le bassin. Le membre inférieur pour aligner sur une même verticale hanche, genou et cheville. Le pied pour éviter l’effondrement de la voute plantaire et contrôler la pronation.
Plus de force, plus de performance !
Cette fois les études scientifiques sont plus enthousiastes. On l’a vu, le mode d’action est double : rendement et métabolisme. L’amélioration de l’économie de course est favorisée par l’alignement du corps assurant la bonne orientation des efforts de poussée. Les tensions inhérentes aux exercices de renforcement augmentent la raideur des membranes musculaires.
ALIGNEMENT DES FORCES DE POUSSEE
Voilà qui accroît l’accumulation d’énergie élastique emmagasinée à la réception et restituée lors de la propulsion. L’optimisation du rebond se fait aussi quand la contraction volontaire est synchrone avec la contraction réflexe. En effet, en cas de mise en tension rapide le muscle se contracte pour se protéger de toute élongation. Vous connaissez ce « réflexe myotatique », votre médecin le teste quand il tape avec son marteau sous votre rotule. Vous le constatez, la réaction neurologique est très rapide.
REBOND OPTIMISE
Ainsi, pour qu’elle soit simultanée à votre poussée, votre fréquence de foulée doit être élevée et votre temps de contact au sol très court. Là encore, des exercices type corde à sauter peuvent s’intégrer à votre séance de renfo. Enfin, pendant la musculation, les muscles chauffent et deviennent douloureux car ils manquent d’oxygène. Ce stress biologique est à l’origine d’une réaction tissulaire et cellulaire. Les micro vaisseaux traversant les masses musculaires, les capillaires, se multiplient.
MEILLEURE OXYGENATION MUSCULAIRE
Les centrales énergétiques enfouies dans les cellules, les mitochondries, prolifèrent. Pour la même quantité de sang envoyée par le cœur, le corps parvient à prélever plus d’oxygène. On parle d’amélioration de la composante périphérique de la VO2 max.
Renfo loisir, clé en main !
A la lumière de toutes ces explications et en passant par les connaissances de traumatologie et de physiologie, quel programme proposé ? Dans les livres, le renforcement musculaire devient efficace à raison de deux fois par semaine. Cependant, puisque vous pratiquez la course dans l’intervalle, vos muscles travaillent ! Bref, une fois peut suffire ! Si vous souhaitez optimiser la procédure, plusieurs astuces sont envisageables. Premièrement, il est plus efficace de réaliser vos exercices en « surfatigue », c’est-à-dire après votre running. Le nombre de répétitions sera réduit et le contexte sera plus spécifique d’une fin de compétition, période au cours de laquelle vous avez besoin de votre force endurance pour rester aligné et conserver votre rendement.
APRES LE FOOTING : MONTER ET DESCENDRE ESCALIERS
Deuxièmement, les mouvements doivent être très spécifiques de la course afin de bénéficier d’un transfert maximisé vers la foulée. De cette façon, vous renforcez l’ensemble des muscles concernés et vous coordonnez aux mieux les chaines musculaires sollicitées. En pratique, le squat sur une jambe à amplitude de course parfaitement gainé devant la glace et éventuellement les fentes idéalement bulgares constituent les exercices de références. Troisièmement, il est recommandé d’effectuer des séries longues jusqu’à l’échec en freinant le retour. Le poids de corps peut suffire mais vous pouvez aussi tenir des haltères ou mettre un gilet lesté.
SQUATS SUR 1 JAMBE, FENTES
AMPLITUDE COURSE A PIED
EN FINISSANT SUR LA POINTE DES PIEDS
1 SERIE JUSQU’A L’ECHEC
Ce principe permet de reproduire le contexte biologique de l’endurance et l’amortissement de la foulée. En pratique, au retour de votre footing, prenez des escaliers. Montez les marches, une par une à haute fréquence et deux à deux plus lentement en changeant à chaque étage. Restez bien gainé en tirant sur les bras. Descendez, rapidement en trottinant comme si les marches brûlaient. Arrivé chez vous, terminez avec une série de squats sur une jambes à droite et à gauche puis des fentes des deux côtés jusqu’à l’échec ! Il est vivement recommandé de finir sur la pointe des pieds et en griffant les orteils. Ainsi, vous sollicitez toute la chaine de propulsion, mollets et fléchisseurs de orteils inclus ! Si vous disposez d’un peu de temps supplémentaire, pensez au buste et aux bras. Le gainage sous forme de planche faciale ou latérale ne constitue pas le meilleur exercice. Il est trop éloigné du geste spécifique. La variante avec appuis diagonaux et membres libres en extension ressemble plus à la course et se montre bien efficaces. Vous pouvez ajoutez des montées de bassin en écrasant les coudes, les fameux hip trust, ainsi que des abdos sous forme de pédalos. Ajoutez quelques crispations des orteils pour cambrer la voute plantaire jusqu’à la crampe. Vous déclinez ainsi, la notion de gainage jusqu’aux extrémités ! Cette fois, c’est bon ! Vous avez coché la case renfo du coureur loisir !
Renfo compet plus élaboré !
Pour plus d’exhaustivité et d’efficacité, passez à deux fois par semaine et utilisez une salle de sport bien équipée. Commencez par du cardio pour vous échauffer et vous fatiguer ! Les appareils les plus adaptés sont le tapis en pente, l’elliptique, le stepper et l’escalier. Alternez les mouvements fonctionnels avec des exercices plus localisés. Vous le savez, les premiers plus spécifiques bénéficient d’un bon transfert vers le geste de la foulée.
ECHAUFFEMENT ET PREFATIGUE SUR TAPIS EN PENTE, ELLIPTIQUE, ESCALIER OU STEPPER
Néanmoins, vous pouvez profiter du matériel disponible pour varier les adaptations motrices. Squats sur une jambe et fentes peuvent être complétés par des squats bipodaux et de la presse en simple et double appui. Sur cette dernière machine, la stabilité posturale permet de finir sur la pointe des pieds comme en courant. Le travail des mollets au sein d’une chaine motrice complète constitue un vrai plus ! En revanche, il est vivement déconseillé d’écraser sa rotule et ses ménisques en faisant des squats complets. La foulée n’est pas un saut de grenouille ! Et vous n’êtes pas des batraciens !
ALTENEZ EXOS FONCTIONNELS ET ANALYTIQUES
Les exercices plus ciblés et non spécifiques permettent d’atteindre une vraie fatigue musculaire sans craindre la déformation du geste et le désapprentissage technique. Vous pouvez ainsi programmer les 4 exercices sur chaise : quadriceps, ischio-jambiers, adducteurs et abducteurs alias les moyens fessiers. Ces derniers sont avantageusement sollicités dans une posture plus adaptée et en statique, avec le balancier de la hip machine. Cet appareil permet aussi de renforcer le grand fessier et les ischio-jambiers en extenseur de hanche en reproduisant un geste proche de la foulée. Ajoutez un peu de presse à mollet. Il est inutile de renforcer les releveurs du pieds, peu sollicités, leur hypertrophie est à l’origine d’une blessure invalidante : le syndrome de loge !
GAINAGE ET BRAS SUR ELLIPTIQUE, SUR BANC OU A LA POULIE
Il est possible de réaliser les exercices de gainage du coureur de loisir et d’y adjoindre du balanciers des bras avec haltères en position allongé. Cet exercice diagonal peut également être effectué en fente grâce au portique à double poulie. La position verticale et en l’engagement de tout le corps, assure encore plus de spécificité ! Sans oublier que l’elliptique, en sollicitant les bras, constitue dès l’échauffement un excellent mouvement de gainage dynamique.