15/02/2024
Je viens de terminer le remarquable livre de Sarah Barukh et je voudrais vous parler car c’est un livre tellement important.
Ce livre est un travail collectif qui dépeint des portraits de vies brisées et donne la parole à 125 femmes qui, à travers leurs mots, font revivre 125 victimes de féminicides ( à savoir le nombre moyen de femmes mortes en France chaque année, sous les coups de leur conjoint).
Ils les ont tuées, alors elles les font revivre…
125 c’est beaucoup … ça signifie qu’en France, 1 femme est tuée par son partenaire tous les 2 jours et demi.
Si on vous dit 125, alors c’est un chiffre, une statistique, c’est abstrait.
Mais si on vous raconte 125 récits de vie, alors ce chiffre commence à faire sens.
D’où l’idée originale, touchante et émouvante, de Sarah Barukh.
Dans ce livre, au lieu d’être réduites à un nom et une date, les victimes sont racontées dans la bouche de femmes écrivaines, philosophes, journalistes, avocates, professeures.. qui ont accepté de devenir la voix d’une femme qui n’en a plus.
S’il était encore besoin de le dire, les femmes victimes de violences conjugales n’ont pas de « profil type », sont toutes différentes, par leur âge, leur milieu socioculturel, leur histoire et n’ont qu’un seul point commun : le fait d’être entré à un moment donné de leur histoire, dans une relation d’emprise.
Tout le monde peut entrer dans une relation d’emprise, comme dans un piège qui se referme tout doucement et isole du reste du monde.
C’est un livre important car il permet de comprendre par quels mécanismes une femme s’inscrit dans cette relation et par quels glissements elle ne peut plus en sortir.
Lorsque je reçois au cabinet des femmes victimes de violence conjugale, elles me décrivent comment ces glissements s’opèrent et comment elles s’enlisent. Mais elles sont là, ce qui signifie qu’elles ont accepté de se faire aider, et nous faisons un travail qui vise à les protéger d’abord et à les réparer ensuite.
Je rencontre aussi des couples qui me racontent la petite gifle qui part, « mais j’avais pas l’intention de lui faire du mal », la bousculade qui dérape et les points de suture aux urgences …. et qui n’ont pas conscience du risque du coup de trop, celui qui peut faire basculer dans l’irréparable.
Vu les chiffres des violences conjugales, nous avons forcement autour de nous des personnes concernées.
Il est important d’en parler, d’en faire un sujet qui ne soit pas juste un chiffre ou un fait divers et de partager un livre comme celui ci.
L’auteur a écrit ce livre suite à sa propre expérience de violence conjugale, pour alerter, raconter mais aussi donner de l’espoir à celles qui n’osent pas partir.
Bravo Sarah Barukh pour ce livre courageux et ce travail documenté ( mention spéciale pour les témoignages de professionnels qui sont très éclairants) qui sera très certainement salvateur lorsqu’il tombera entre les mains d’une femme qui en a besoin.