06/02/2024
Le week-end prochain, les asiatiques fêteront chun jie, littéralement la fête (jie) du printemps (chun), sous le signe de la nouvelle année du dragon de bois.
Comment ce méchant cracheur de feu peut-il être si apprécié des asiatiques? Cela est dû à une mésentente culturelle et historique.
En Asie, et particulièrement en Chine, le dragon est un animal bénéfique car il incarne le cycle vital. L’hiver il vit dans les rivières, où il se gorge d’eau ; au printemps il se réveille et s’envole en haut du ciel d’où il recrache son eau bénéfique.
Pourquoi cela ? Parce que l’on oublie toujours que 80% du territoire chinois est situé à plus de 400 m et que, de cette altitude, il est impossible de creuser des puits. L’arrosage des champs et des rizières dépend de la pluie crachée par les dragons. Des dragons aquatiques, il en existait en Europe, à l’époque gallo-romaine. le plus célèbre est la Tarasque que l’on disait responsable des crues du Rhône et qui, avec son corps couvert d’écailles (et sans ailes) ressemble tout-à-fait au dragon chinois.
Et puis voilà qu’au début du 13 siècle, Gengis Khan, ayant fédéré les clans mongols, lance ses cavaliers vers l’ouest de l’Eurasie. En quelques années, ils arriveront jusqu’à l’actuelle frontière germano-polonaise., c’était la première fois que les européens voyaient des visages asiatiques. Leur stratégie était simple : si une ville se rendait, ils ne changeaient rien à l’organisation sociale existante, laissant juste une petite garnison mongole pour percevoir les taxes. Si une ville leur résistait, ils la brûlaient et tuaient tous ses occupants. La nouvelle parvenait vite à la ville voisine.
Quelques décennies plus t**d, Kubilay Khan, le petit fils de Gengis Khan ajoute la Chine aux conquêtes de son grand-père, fondant ainsi le plus grand empire terrestre d’un seul tenant ayant jamais existé à la surface du globe. La route de la soie étant alors sécurisée sur tout son parcours les marchands chrétiens, comme Marco Polo, avancent vers l’est, pendant que les produits chinois, souvent marqués du dragon bénéfique, arrivent pour la première fois dans l’occident chrétien. Se produit alors ce que les psychanalystes appellent un : chiasme, c’est-à-dire la rencontre entre un objet réel et un souvenir traumatisant. Le bénéfique dragon chinois est assimilé aux souvenirs des cavaliers mongols qui brûlaient les villes qui leur résistaient. Et dans l’imaginaire médiéval, crachant du feu, il va prendre la place de Belzébuth le bouc infernal. On va recruter des divinités masculines (St George, St Michel) pour le tuer. Alors que dans les dragons des légendes préchrétiennes, ce sont des héroïnes féminines qui passent un ruban rouge au cou des dragons pour les éloigner.
L’histoire a donc malencontreusement tordu l’image du dragon chinois en terre d’Occident.
Souhaitons que cette nouvelle année zodiacale sous le signe du dragon de bois favorise une meilleure compréhension entre les cultures asiatiques et européennes.