18/11/2025
Les résultats d'une étude de JAMA Psychiatry circulent beaucoup ces dernières heures : 2,8 % de symptômes psychotiques, 2,3 % de troubles psychotiques et 3,7 % de troubles bipolaires chez des personnes avec TDAH traitées par psychostimulants.
Certains y voient déjà une preuve que « les stimulants provoquent la psychose ».
En réalité, l’étude elle-même est beaucoup plus prudente que les réactions qu’elle suscite.
Voici les nuances essentielles rappelées par les auteurs :
1. Les données n’établissent pas de causalité.
La plupart des études incluses ne disposaient pas d’un groupe contrôle TDAH non exposé aux stimulants. Impossible donc de distinguer l’effet du médicament… de l’évolution naturelle du TDAH, du risque familial ou des comorbidités.
2. L’hétérogénéité est extrêmement élevée (I² > 95 %).
Les études diffèrent sur :
– l’âge (enfants, ados, jeunes adultes),
– la durée de suivi (6 semaines à 14 ans),
– les critères diagnostiques,
– les méthodes d’évaluation.
Les auteurs précisent que les chiffres rapportés doivent être vus comme des moyennes très approximatives, pas comme des risques applicables directement à chaque patient.
3. Les intervalles de confiance sont très larges.
Pour certains résultats, le risque réel pourrait être bien plus faible… ou bien plus élevé : l’incertitude statistique est importante. Les auteurs classent d’ailleurs la qualité globale des preuves comme faible à très faible.
4. Le risque plus élevé sous amphétamines demande prudence… mais l’interprétation est complexe. Dans de nombreux pays, les amphétamines sont utilisées en seconde ligne, chez des patients plus sévères ou plus comorbides. Les auteurs reconnaissent qu’on ne peut pas exclure un biais de sévérité, et qu’il manque des données pour trancher.
5. Les recommandations ne changent pas.
Les auteurs rappellent que les stimulants restent la première ligne dans les guides cliniques. Ils recommandent une approche classique :
– information du patient,
– titration progressive,
– surveillance régulière,
– arrêt du stimulant en cas de symptômes psychotiques.
Ils précisent également que dans 90 % des cas, les symptômes disparaissent après l’arrêt.
En résumé :
L’étude ne dit pas que « les stimulants provoquent la psychose ». Elle montre qu’un petit pourcentage de patients développe des symptômes psychotiques ou bipolaires pendant le traitement, mais sans pouvoir attribuer ce phénomène au médicament lui-même.
Les auteurs sont très clairs : les preuves sont insuffisantes pour conclure, l’hétérogénéité est massive, et des recherches bien mieux contrôlées sont nécessaires.
C’est une étude utile — pas une alerte. Elle défend surtout une idée simple et raisonnable : informons, surveillons, ajustons. Et restons rigoureux dans l’interprétation.
Source : https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2838206?guestAccessKey=b3c600ca-bc27-458b-b617-44569e9a5156&linkId=877506230