25/05/2025
« Chaque mardi à 15 heures, Mme Ellis, la bibliothécaire aux cheveux d'argent, glissait un petit mot manuscrit dans un livre choisi au hasard avant de le replacer sur les étagères. Personne ne savait que c'était elle.
« Tu es plus courageux que tu ne le crois », griffonnait-elle sur un papier jaune citron qu’elle glissait dans un roman à suspense.
« Le monde a besoin de ton rire », déposait-elle au creux d’un recueil de blagues.
Elle faisait cela depuis douze ans, depuis la mort de son mari…
Par un après-midi pluvieux, Marco, 14 ans, feuilleta un vieil atlas couvert de poussière et y découvrit un mot :
« Quelqu’un, quelque part, est fier de toi. »
Il le glissa dans sa poche. Cette semaine-là, sa mère venait de perdre son emploi, et lui, en cachette, glissait de l’argent dans son sac pour qu’elle puisse déjeuner.
Le mot resta avec lui, froissé mais jamais jeté, comme un ami secret…
Il se mit à venir à la bibliothèque chaque jour, à la recherche d'autres mots.
Mme Ellis l'observait discrètement, remarquant comment il s'attardait près du rayon des livres de cuisine (le rêve de sa mère : ouvrir une boulangerie).
Un jour, elle laissa « accidentellement » tomber un mot à ses pieds :
« Suis la recette, petit. Tu as tous les ingrédients. »
La semaine suivante, Marco lui apporta un cake à la banane tout bosselé.
« C’est pour… la dame des petits mots », murmura-t-il en lui tendant le moule.
Mme Ellis sourit : « Elle va adorer. »
Les années passèrent.
La mère de Marco ouvrit sa boulangerie : Gâteaux Petits Mots, où les recettes étaient accrochées à côté des commandes.
Le jour de sa remise de diplôme, Marco glissa un mot dans le même atlas :
« Merci de m’avoir vu. »
Mme Ellis a pris sa retraite le mois dernier.
Lors de sa fête d’adieu, la bibliothèque avait suspendu une corde à linge ornée de centaines de petits papiers jaunes – retrouvés dans des manuels, des romans d’amour, même un guide de jardinage.
Une infirmière avait écrit :
« Ce mot m’a aidée à traverser mes gardes de nuit. »
Un père célibataire :
« J’ai gardé votre ‘Tu es suffisant’ dans ma boîte à alliances. »
Aujourd’hui, la nouvelle stagiaire de la bibliothèque, la petite sœur de Marco, commence ses matinées ainsi : elle arrose les plantes, range les livres… et cache à son tour des morceaux de soleil…
Mme Ellis, elle, revient encore chaque mardi.
« En voilà un ! » dit-elle souvent en agitant un mot que quelqu’un a laissé pour elle…
Drôle, n’est-ce pas ?
Comment des mots pensés pour guérir les autres… finissent aussi par nous guérir. »
Le Monde littéraire
Parfois, un simple mot peut changer une vie.
Un message trouvé par hasard, au bon moment.
Un petit bout de papier, et tout s’éclaire.
Cette histoire parle de livres, de liens invisibles, et d’un amour silencieux qui traverse les années.
Des petits mots, pour soigner les grands silences.
Et toi… quel mot aurais-tu aimé trouver entre les pages d’un livre ?