21/06/2025
Parfois, je regarde ce qui circule dans ces espaces dits “spirituels”,
et quelque chose en moi se met à veiller.
Pas par méfiance contre l’autre,
mais comme une attention fine, un frémissement intérieur :
« Va doucement. Ne te laisse pas prendre. »
Il y a tant de discours aujourd’hui,
tant de mots sur l’amour, l’éveil, la lumière, la conscience,
sur ce qui serait “vrai”, “faux”, “aligné”, “relié”,
sur ce que serait un homme sacré, une femme sacrée…
Et je sens parfois que ça flotte.
Ça scintille. Mais sans ancrage.
Ça parle de non-dualité,
et pourtant ça sépare.
Ça parle d’être “au-delà du corps”,
et ça n’a jamais touché vraiment la terre.
Ça parle d’amour inconditionnel,
mais ça cherche encore à séduire, à convaincre, à briller.
Je ne dis pas que ces élans sont faux.
Je dis juste qu’ils me paraissent… glissants.
Et que je dois être attentif.
Parce que même en moi, ça peut surgir.
L’envie d’être celui qui voit. Celui qui sait. Celui qui transmet.
C’est fin. C’est vicieux. Et ça s’habille en silence, parfois.
Je me souviens de cette parole d’un enseignant,
alors que je lui partageais une expérience que je croyais mystique, une "extase l*d détournée de sa fonction" :
« Et alors ? Va méditer. Retourne t'asseoir. Du sucre.»
Dit sans ironie. Avec amour. Juste avec ce regard clair,
qui me ramenait à l’essentiel.
Je me souviens aussi de cet autre enseignement :
« Le quotidien est ton plus grand kōan. » « Expérimente. Va jusque dans ton quotidien. C’est ton quotidien qui est ton plus grand maître. »
Pas besoin d’aller chercher plus loin.
Pas besoin d’extase. Pas besoin de visions.
Juste… être là.
C’est pour cela que je ne veux plus suivre tous ces discours
qui me parlent d’êtres “canalisés”,
“reliés à la lumière”,
guidés par l’au-delà,
qui semblent dépendants des états modifiés de conscience,
et confondent ce frisson intérieur avec la vérité.
Je ne rejette pas ces dimensions.
Mais je les approche avec prudence.
Parce que parfois, tout ça tourne au sirop.
Un sucre subtil, fluide, flatteur,
qui peut endormir la vigilance.
Et quand ce sucre devient trop épais,
je sens une forme de nausée.
Et je remercie cette nausée.
Parce qu’elle m’empêche de me perdre.
Elle me ramène à ce que je vis, ici.
À cette confiance que m’a transmise mon maître :
“Ne crois pas. Expérimente. Et surtout : fais confiance à ton expérience.”
Au fond,
je n’ai jamais voulu faire partie de ce grand manège.
Je veux juste me sortir de cette folie humaine
qui veut tordre le cou à la réalité.
Non.
Non non non non.
Pas ça.
Ce n’est pas ça.
J'essaie,
chaque jour après jour,
de pratiquer ce grand oui à ce qui est.
Et même : ce grand oui à tout.
Même à ce sucre.
Même à ce ganimatia de l’extase.
A cette défonce de l'éveil qui se croit arrivé.
Même à ces défenses qui se déguisent en lumière.
Même à l’illusion.
Oui, l’ego spirituel existe.
Et oui, il est accueilli, lui aussi,
dans ce grand Oui.
Mais faire en sorte qu'il ne mène plus la danse.
Oui à ce qui est.
Toujours, ce retour.
Ce silence.
Ce battement simple.
Ce “juste là”.