04/09/2025
L'ardeur étant une association d’éducation populaire et un organisme de formation (donc ni un parti politique, ni une organisation syndicale, ni un collectif militant au sens strict du terme), nous n’avons pas pour habitude de signer ou de soutenir des appels à mobilisation. Notre soutien au mouvement du 10 septembre « Bloquons tout ! » fait donc exception. Pourquoi cette exception ?
• Parce que la déconstruction de l’argumentaire du plan Bayrou qui suscite ce mouvement nous semble bien relever de l’éducation populaire politique dont nous nous réclamons.
• Parce qu’il pourrait contribuer à bâtir le « bloc historique » (alliance des classes populaires et de la petite bourgeoisie culturelle) nécessaire pour lutter contre la classe dominante et ses intérêts, occasion qui a été ratée lors du formidable mouvement des Gilets jaunes.
Nous expliquons ici plus en détails pourquoi L’ardeur soutient le 10 septembre.
À toute insurrection il faut un détonateur : l’abus de pouvoir de trop. Souvent une petite chose : ici la suppression de deux jours fériés. Avant le 14 juillet 1789 il y eut l’émeute du 23 avril quand le patron d’une manufacture de 300 ouvriers décida de baisser les salaires, affirmant que « les ouvriers peuvent bien vivre avec 15 sols par jour au lieu de 20 » ! En 1995 l’attaque contre un régime de retraite spéciale des cheminots mit 9 millions de personnes dans la rue. Le mouvement des gilets jaunes partit d’une augmentation du diesel pour compenser les milliards de cadeaux du Crédit Impôt Compétitivité Emploi au patronat, dont France Stratégie, organe gouvernemental, nous informe que « l’effet total reste estimé à 100 000 emplois environ, ce qui est faible, rapporté au coût de l’ordre de 18 milliards d’euros en 2016 » (1). Pire même puisqu’une note des services fiscaux indique que cet argent a pu servir « à accroitre le montant des bénéfices distribués où la rémunération des dirigeants des entreprises concernées » (2).
Et que dire de la grève générale de 1968, partie d’un chahut étudiant, encore plus drôle, encore plus anodin, encore plus imprévisible !
Il faut l’inculture de la caste journalistique pour répercuter le mensonge de la dette – poule au œufs d’or des marchés bancaires spéculatifs – et la fadaise des 40 milliards d’économies. Inculture de chroniqueurs économiques, François Lenglet, Nicolas Doze, Raphael Legendre, Emmanuel Lechypre, Jean-Marc Daniel, Agnès Verdier Molinié, autoproclamés experts, mais surtout serviteurs serviles de leurs patrons milliardaires, propriétaires des grands médias. Car que dire de cette dette d’un État présenté comme impécunieux et dispendieux, sinon que toutes les études montrent que se sont les cadeaux fiscaux octroyés aux plus fortunés qui en sont à l’origine. Il suffit de lire le récent rapport de l’Observatoire Français des Conjonctures Économiques (3) :
• « Depuis 2017, en France, le creusement du déficit de 2,4 points de PIB s’explique par une baisse du taux de prélèvements obligatoires »
• « Au cours de cette période, les dépenses publiques sont restées stables« .
• « Une dérive du déficit public qui s’explique par la baisse des prélèvements obligatoires : (c’est à dire) la poursuite de la stratégie de politique fiscale de l’offre engagée avec l’élection d’Emmanuel Macron à la présidence de la République en 2017– comprenant notamment la baisse de l’impôt sur les sociétés, la poursuite des exonérations de cotisations sociales patronales et les réductions des impôts sur la production » .
Le déséquilibre des budgets successifs depuis le début des années 1980 n’est donc pas lié à des dépenses excessives mais bien à des recettes insuffisantes. Dès lors, ne reste plus pour équilibrer les dits budgets que le recours à l’emprunt. Et, le traité de Maastricht ayant banni la possibilité pour les États d’emprunter auprès de leur banque centrale, le recours aux marchés financiers devient la seule option possible. Cette dette publique dont on nous rebat les oreilles est une construction idéologique aux bénéfice de la classe possédante dont il conviendrait de s’extraire.
On le voit, le programme crapuleux du premier ministre n’est dicté par aucun impératif économique, il est un geste de pure haine de classe, et n’a aucune autre fonction que d’humilier, de rabaisser, de marquer la domination…discours de détestation hallucinée à l’égard des personnes sans emploi, la classe dominante au service du patronat est obsédée par l’idée de nous tenir rabaissés, violentés, mais surtout de nous tenir employés…notre liberté est leur terreur. Qui sont ces gouvernants qui ne pensent qu’à faire du mal à leur peuple ? Plus aucun acquis depuis 1983, quand “l’atlantiste” Delors convainc Mitterrand d’abandonner son programme social pour choisir la carte de l’union européenne au service des patronats (et des états unis). Depuis, la vie sociale en France est une lente descente aux enfers. Le mouvement historique d’avancée régulière de l’âge de la retraite s’inverse, l’Etat démolit la sécu pierre par pierre, le management à l’américaine bousille les métiers et la souffrance au travail explose, le droit au chômage devient une mendicité conditionnelle, et partout la même détestation des fonctionnaires (dont ils sont eux-mêmes !!!), le même discours de haine contre les travailleurs sans emploi, contre celles et ceux qui n’y arrivent plus, qui désertent ou qui souhaitent encore choisir leur travail pour y trouver du sens. Le pouvoir ne supporte plus nos résistances, il faut aller bo**er coute que coute, pour des contrats de misère, voire pour du travail non rémunéré. Le travail gratuit n’est pas nouveau, des siècles de travail domestique des femmes non reconnu. Aujourd’hui le travail gratuit s’étend, il est choisi (faisons la preuve de notre citoyenneté, plantons des haies quand des salariés pourraient le faire !) il est de plus en plus subi : des immersions en entreprises aux 15h heures RSA obligatoire… le capital ne veut plus rémunérer le travail, et pourquoi le ferait-il ? Il faudra bien nous dire dans ce mouvement que le travail fait le lien entre nous tout, il est à nous !
Quand Paul Lafargue, gendre de Karl Marx, écrit son pamphlet sur le droit à la paresse, il ne fait pas l’éloge de l’oisiveté mais du temps libéré pour faire de la politique, pour s’occuper du monde, comme l’ont fait les gilets jaunes qui ont très vite laissé tomber le gas oil pour se mettre à l’économie politique, aux fonctions de la démocratie, au mandat impératif et au tirage au sort, à la dénonciation de la dette…bref de l’éducation populaire. Et ce que Antonio Gramsci, fondateur du parti communiste italien, appelle le Bloc historique, est le moment où les deux cœurs de la gauche : le cœur intellectuel de la petite bourgeoisie culturelle, qui a le temps de lire de réfléchir, et d’analyser, et le cœur social des travailleurs – ouvriers, employés, etc. – dont les conditions matérielles d’existences rendent plus difficiles cette capacité de dégager du temps libre, se rencontrent et font alliance contre la classe dominante. Une occasion historique a été manquée en France avec le mouvement inouï des gilets jaunes, que le travail de distinction sociale de la Culture et le fantasme de l’agitation la lutte morale contre l’extrême droite ont empêché d’être rejoint par la gauche bien pensante. Gageons qu’à force de conférences gesticulées, ce bloc se reformera un jour. L’ardeur soutient le 10 septembre.
Trouvez la cartographie des groupes locaux départementaux et régionaux afin de vous rapprocher d’autres personnes dans votre territoire, participer aux Assemblées Générales, être au courant des points de rendez-vous. https://indignonsnous.fr/«
1 –https://www.strategie-plan.gouv.fr/files/files/Publications/2020/CICE/fs-2020-rapport-cice2020-16septembre-final18h.pdf
2 – https://www.youtube.com/watch?v=xpNHR0jsZ4s
3 –https://ofce.github.io/psmt/PB.pdf