12/08/2025
Un accueil de jour vécu de l’intérieur par un bénévole…
Ce matin, il m’a été proposé de venir donner un coup de main dans un accueil de jour…
On ne peut qu’accepter une telle demande : elle ne peut qu’être enrichissante pour ma vie personnelle. Et elle le sera…
13 h 15, me voici à l’accueil de jour de la Doria, à St Alban Leysse. Visite des lieux et surtout briefing sur les 6 personnes accueillies cet après-midi, toutes dans un état avancé de la maladie, comportement de base à adopter, présence permanente d’une personne pour ne pas faire naître un sentiment d’abandon…
13 h 30, familles aidantes ou taxis arrivent.
Quel est ce visage nouveau (le mien) ? Les repères sont importants pour les malades atteints d’Alzheimer, et je suis cet inconnu que, peut-être, au début, on prendra pour un nouvel « aidé ».
J’ai le sentiment d’être « adopté » en donnant le bras à G. pour l’accompagner, jusqu’à la salle confortable et climatisée où nous allons passer (ou plutôt) vivre cet après-midi ensemble.
Cet après-midi est un moment de répit pour les aidants, qu’ils soient l’enfant ou le conjoint, mais il est aussi très important pour l’aidé: L’endroit le change de son lieu de vie habituel, où il est parfois seul, où il tourne aussi en rond.
L’accueil de jour, ici comme ailleurs, est un lieu où il va vivre en société, avec des activités même simples qui vont faire travailler sa « pauvre mémoire », et le lien social est important à tous les stades de la vie…
Café servi, la discussion s’engage, d’abord sur le temps (c’est de saison) puis rapidement sur les gâteaux. A. qui est isérois d’origine, nous parle longuement et savamment de la bouffette de Mens, la pâtisserie du Trièves. Je suis subjugué par les souvenirs d’enfance qu’il en garde. Et le gâteau de Savoie ? certaines en ont fait mais plus maintenant.
C’est très riche de voir le comportement de chacun, sa réaction sur telle ou telle chose, finalement : comme tout le monde.
Certains sont plus bavards, mais quel bonheur quand ma voisine, restée silencieuse jusque-là, et sur sollicitation de l’animatrice, vient à parler d’elle, de sa vie de jeune mère gravement perturbée par un accident de vélo, sa lucidité sur le bel amour que lui porte son fils, sur le fait qu’il doit aussi vivre sa vie, et son propre avenir à elle, fruit de sa mûre réflexion. Un beau sourire illumine son visage…
Quand je parle que mon père fut conducteur de machine à vapeur, c’est la réflexion sur la pénibilité de ce métier comme de ceux qui travaillent sur les routes qui vient à l’esprit de ces personnes que l’on dit malades, mais qui, à mes yeux, sont toutes comme moi, avec des sentiments, mais une mémoire qui parfois s’égare.
La musique est aussi un moyen important de travail de la mémoire. Les chansons de Bourvil, Fernandel, Luis Mariano, amènent des sourires, des rires, les paroles viennent sur les lèvres ou les cordes vocales. Un passo ? les doigts tapotent les genoux en rythme et les pieds trépignent même si les jambes ne portent plus bien.
Une musique agace ? mais au bout d’un moment, la tête bat la mesure et les lèvres livrent les paroles.
Et quand c’est l’heure de repartir, il y a un peu de tristesse de ma part de quitter ces personnes qui m’ont apporté aussi beaucoup.
Certes, pour une première fois, je n’ai pas fait grand-chose, j’ai surtout admiré le travail de l’animatrice.
Je n’utilise pas le mot « professionnalisme » qui sous-entend une certaine « sécheresse ». Mais plutôt, bienveillance, sourire, respect, maîtrise de la parole et du geste, quand un mot mal compris peut casser l’ambiance de ce moment de vie hors du temps.
Plus qu’une expérience à vivre, c’est une leçon de vie que j’ai reçue… et à refaire.