20/10/2024
DE L’ABBE PIERRE A MAZAN SANS OUBLIER DSK, MATZNEFF… Y A-T-IL ENFIN UNE PRISE DE CONSCIENCE DE LA CULTURE DU VIOL EN FRANCE ? SEULEMENT 60% DES FRANÇAIS PENSENT QUE CETTE CULTURE EXISTE (un sondage Ifop-Sud Radio réalisé depuis le début de l’affaire). PLUS DE 90% DES AGRESSEURS SONT DES PROCHES DE LA VICTIME… MAIS LA CULTURE DU VIOL, C’EST AUSSI DES REPRESENTATIONS SYMBOLIQUES, ARTISTIQUES, CULTURELLES (Cf la mythologie grecque) QUI SOUTIENNENT ET ENTRETIENNENT CETTE VIOLENCE ENTRE LES SEXES A PARTIR DE LA DISQUALIFICATION MILLENAIRE DES FEMMES, LE JEU CREATIF DES HOMMES (genre) CONSISTANT A ETRE IMMORAL AVEC MORALITE… ”L’ART OCCIDENTAL ESSENTIELLEMENT MASCULIN NE SAIT PARLER DE SEXE QUE SUR LE MODE DE LA VIOLENCE… DU POUVOIR QUI FORCE LA FEMME A ACCEDER A LA SUBJECTIVITE QUE SUR LE MODE PARADOXAL DE LA SOUFFRANCE…” Ce qui interroge dans le procès Mazan n’est pas tant la personnalité perverse de l’accusé principal que l’attitude des 50 coaccusés dans leur défense sexiste et irresponsable, insultante pour la victime. C’était un «simple plan cul», dit l’un ; les autres affirment avoir agi par «altruisme», à «contrecœur», «sans intention» de violer… «A chaque médiatisation du thème des violences sexuelles, le terme s’ancre davantage”, remarque la sociologue Alice Debauche, chercheuse spécialiste des violences sexuelles à l’université de Strasbourg. ”Pour nier notre proximité avec ces violences, on dit que l’auteur est un monstre ou un étranger, quelqu’un qui est différent. On pathologise ou on culturalise le crime. Si le terme de la culture du viol s’impose pour Mazan, c’est que la mise à distance devient difficile.» La découverte de la prédation sexuelle de l’abbé Pierre renforce la démonstration. Pas tous les hommes, mais beaucoup quand même, ironise l’organisation féministe . «La culture du viol est cette atmosphère où l’acte est permis, excusé, banalisé, déculpabilisé», explique l’essayiste féministe Valérie Rey-Robert qui a écrit, en 2019, le premier ouvrage post- sur le sujet, ”Une culture du viol à la française”, aux éditions Libertalia… L’affaire Weinstein et ont été une étape essentielle de remobilisation, mais force est de constater que …. La culture du viol, c’est aussi des représentations symboliques, artistiques, culturelles qui soutiennent et entretiennent cette violence entre les sexes, à partir de la disqualification millénaire des femmes (c’est de la faute d’Eve) et leur éternelle soumission. «Les idées reçues sur les violences sexuelles, les violeurs et les victimes, se transmettent de génération en génération, évoluent avec le temps, imprègnent toute la société. C’est pourquoi il s’agit d’une culture du viol», soutient Valérie Rey-Robert. Ses images remontent à loin. Chez Watteau, Géricault ou Michel-Ange, les femmes sont traquées, victimes de rapt ou de coït forcé. Viol de Lucrèce ou nymphe tremblante face au centaure, le conservateur en chef du Louvre, Régis Michel montre, en 2000 au musée du Louvre, la prégnance de la violence dans ces représentations de la sexualité, lors d’une exposition qui fait polémique, «POSSEDER ET DETRUIRE». «L’art d’Occident ne sait parler de sexe que sur un seul mode : la violence, soutient-il. L’obsession sexuelle de l’art occidental, c’est le viol. […]. L’indigence du discours est inversement proportionnelle au raffinement de la forme.» Régis Michel parle de «l’art du viol». «Ce n’est pas vraiment le sexe que montre l’art occidental, mais le pouvoir, sur le mode le plus primitif et le plus immédiat : celui d’un ordre patriarcal, où triomphe toujours la loi du plus fort, la loi du père.»… D’Europe à Proserpine ou aux filles de Leucippe, l’imagerie du rapt est massive autant que tenace : de la Renaissance à l’académisme (et plus : voir Picasso), l’Occident ressasse l’épisode avec d’infinies variantes… Le rapt est un phénomène spectaculaire, sinon théâtral, où s’épanouit volontiers une esthétique du mouvement (maniérisme, baroque), sans compter les effets pittoresques de la métamorphose, qui favorisent, par exemple, dans le cas d’Europe, la promotion du… bovidé, où s’incarne un Zeus-Frégoli. Mais l’enlèvement présente une autre vertu, qui n’est pas moins secourable : il ne suscite aucune censure, puisque son avenir sexuel, pour être obvie, n’est qu’implicite. C’est une étreinte à bon compte : sans fard, mais sans… foudres. En atteste Ganymède, qui forme avec Jupiter, son aquilin prédateur, un couple homosexuel fort peu cryptique, où nul ne trouve à redire… Dans un art brutal, où le sexe est la force, la femme n’accède à la subjectivité que sur le mode paradoxal de la souffrance. Là est bien le propre de son statut victimaire. Elle n’existe qu’en martyre. La nymphe de Géricault n’a pas l’air de goûter les pratiques sexuelles d’un satyre en rut qui la travaille au corps. Elle détourne la tête. Et sa physionomie ne reflète aucune jouissance. Au contraire. Tout indique chez elle un désir de fuite ou d’immunité : rétraction du corps, soustraction de l’être, où la conscience aiguë de son impuissance – inanité de la lutte – ne peut qu’ajouter à ses maux… Reclus dans une marge étroite de l’espace social, prisonnier d’un développement de caste, sinon de classe, où prévaut un système vigile de codes concurrents (politique, esthétique, idéologique et autres), qui vise à neutraliser la subversion de l’image, l’art occidental n’élabore pas vraiment une vision du sexe, lequel n’y parvient même pas à l’autonomie : ce qui l’intéresse n’est pas le sexuel, mais le corporel. Il n’y a pas de sexe dans cet univers archaïque. Il n’y a que des corps. On dira sans doute que ces corps s’étreignent. Mais cette appétence coïtale n’y change rien. Les corps y sont toujours au service d’autre chose, où s’aliène à volonté leur figuration pléthorique : police, récit, pulsion – panoplie non équivoque de signe mâle… Salviati, peintre du viol de Lucrèce, choisit son camp. Le camp de l’agresseur : celui de la virilité. Choix délibéré ? À travers lui s’exprime l’inconscient collectif d’une culture phallocentrique où l’image est au service du maître (du mâle). Encore faut-il ruser avec les normes établies d’une éthique sociale qui est d’inspiration chrétienne. Sa lecture de Tite-Live, dans un dessin du Louvre, aux visées incertaines, de sa maturité (vers la mi-xvie), est tributaire de ce faux dilemme : être immoral avec moralité…
https://www.liberation.fr/idees-et-debats/de-labbe-pierre-a-mazan-la-prise-de-conscience-de-la-culture-du-viol-20241016_64CWNNUIHZCBXO5TGE5WKCXRMQ/?at_creation=NL_A_la_Une_2024-10-16&at_campaign=NL_A_La_Une&at_email_type=acquisition&at_medium=email&actId=%7EaZ-AvhzoH4OtK7OKuOazVRTB30Z4jPAiVlcl36zQ_wt_3YX6XRyYqixBdE4oeg4ac4tUOD9-EuZZpuk6cA0YgdtrkIOcNTKF1yHk40Aa_ySELUlWEBAej&actCampaignType=CAMPAIGN_MAIL&actSource=540574
https://shs.cairn.info/revue-mouvements-2002-2-page-84?lang=fr
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