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En Égypte, en 1865, il n’était pas rare de voir des marchands ambulants vendre quelque chose qui nous semblerait aujourd’hui impensable : des momies. Enveloppées et altérées par le temps, parfois encore partiellement recouvertes de leurs bandelettes de lin, ces dépouilles antiques étaient vendues au grand jour comme de simples marchandises. À cette époque, des siècles de fascination et de commerce avaient transformé les corps momifiés en une sorte de bien macabre.

La pratique avait des racines anciennes. Dès le XIe siècle, le polymathe persan Avicenne (Ibn Sina) écrivait sur l’utilisation de chair de momie réduite en poudre comme remède contre les hémorragies internes et d’autres maux. Cette « médecine de momie » fit son chemin jusqu’en Europe, où elle intégra les étagères des apothicaires pendant des siècles. Broyée en fine poudre, on lui prêtait des vertus curatives, et elle était ingérée ou appliquée en cataplasme — surtout par les classes aisées.

Mais les momies ne servaient pas qu’à la médecine. Les artistes utilisaient un pigment brunâtre surnommé « brun momie » pour la peinture. Et les collectionneurs et voyageurs européens les considéraient comme souvenirs ou objets de curiosité. En Angleterre victorienne, des « soirées de déballage de momies » devinrent même une forme sinistre de divertissement mondain.

Ce commerce étrange prospéra jusqu’au début du XXe siècle, quand le vent commença à tourner. À mesure que l’intérêt européen pour l’Égypte ancienne grandissait, les attitudes publiques évoluèrent : de l’exploitation désinvolte à une curiosité plus respectueuse (quoique toujours teintée d’exotisme). Les articles sensationnalistes sur la « Malédiction des pharaons » qui suivirent la découverte du tombeau de Toutânkhamon en 1922 contribuèrent à faire reculer l’idée de manipuler les momies avec légèreté. Entre romantisme, superstition et un respect croissant pour l’archéologie, la fin du commerce de momies était amorcée.

Et pourtant, le marchand ambulant de 1865 reste un rappel frappant : pendant des siècles, les morts de l’Égypte ancienne n’ont pas seulement été étudiés, mais aussi vendus, consommés, transformés en peinture et mythifiés — pris entre médecine, art, commerce et spectacle.

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