19/02/2023
Je fais suite au point de vue rigoureux de Pierre Vesperini, chargé de recherche au CNRS, publié ce matin sur Le Monde, et avec lequel je suis en accord.
Comme il le précise, contrairement aux idées véhiculées actuellement dans les médias français, isoler l'enfant pour le punir ne fait pas l'objet d'un consensus scientifique interntaional et fait encore moins l'unanimité chez les professionnels de l'enfance.
Habituellement, je n'aime pas réagir publiquement aux propos avec lesquels je suis en désaccord. Mais là, c'est trop effarant pour que je reste discrète.
Moi-même, en tant que psychologue de l'enfance, intervenante en crèche auprès des enfants et des parents, animatrice d'ateliers à destinations des familles, formatrice pour les professionnels (psychologues, médecins, éducateurs...), docteure en psychologie du développement (j'ai réalisé ma thèse de doctorat sur les émotions du jeune enfant) et auteure de livres de vulgarisation scientifique sur l'éducation et la parentalité, je suis profondément en désaccord avec le fait d'isoler un enfant, dès 12 mois, dans sa chambre pour le punir.
Cette "méthode" va :
- à l'encontre des données scientifiques de ces 50 dernières années (en psychologie de l'enfant, en neurosciences affectives et sociales, en théorie de l'attachement, en sciences de l'éducation...),
- à l'encontre de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant
- à l'encontre de la loi de 2019 contre les violences éducatives ordinaires
A l'inverse, je suis favorable au fait de :
- mettre à l'écart ponctuellement un enfant quand le parent sent qu'il risque d'être violent (quoi que, le mieux serait encore que le parent en colère se mette lui-même à l'écart de l'enfant). Ce qu'on appelle l'isolement "à visée de protection".
- extraire ponctuellement un enfant d'un environnement trop stimulant (d'un groupe par exemple) et rester à ses côtés dans une autre pièce pour le faire redescendre en tension.
- pratiquer le Time-In : au vu des recherches actuelles, la perspective du "Time In" - temps au cours duquel le parent reprend le contact avec l'enfant, reste en relation avec lui et l'aide à réguler son émotion (à condition que le parent en soit émotionnellement capable sur le moment !) - me paraît être l'option la plus adaptée.
- à l’instant T, poser l’interdit de manière ferme mais non-violente
- renforcer les comportements souhaités : la recherche met en évidence que le renforcement des comportements souhaités (c'est à dire montrer à l'enfant comment il doit agir et encourager ce comportement) est bien plus efficace que de punir le comportement indésirable.
Enfin, j'apporterais 3 nuances :
- Ne tombons pas dans l'extrême. Mettre à l'écart son enfant de manière occasionnelle, parce qu’on n’a pas réussi à faire autrement sur le moment, n’est pas bien grave. Ce qu’il faut éviter, c’est de faire de cet isolement un outil éducatif à part entière, une "méthode" et d’y recourir de manière volontaire et régulière.
- Il est différent de demander de temps en temps à son enfant de 6 ans de s'asseoir sur le canapé une ou deux minutes pour se calmer, que d’isoler un bébé d'un an dans sa chambre et de le laisser pleurer seul pour le punir. C’est du bon sens.
- Être parent peut être éprouvant, très éprouvant. Il arrive que nos émotions sur le moment soient si fortes qu’il nous est difficile de faire des choix rationnels. On fait ce qu’on peut. L’idée étant de concilier au mieux les besoins de nos enfants avec nos propres besoins de parent.