16/07/2025
"Gros con" : l'insulte qui m’a conforté dans mes choix
Il y a quelques jours, au détour d’une conversation houleuse, une amie m’a traité de *gros con*.
C’était sec, net, sans appel.
Et très franchement ? J’ai souri intérieurement. Parce que, dans ce mot, balancé en guise de clôture d’un débat de fond, j’ai entendu une forme de confirmation : celle que mes convictions dérangent, que ma parole atteint, que je suis en accord avec moi-même — même si je ne le suis plus avec elle.
Une vie assumée, des désaccords affirmés
Ce n’est pas venu de nulle part. Depuis quelque temps, nos échanges étaient tendus. Des désaccords de fond, de valeurs, d’approche du monde, de ce qu’on accepte ou non dans sa vie.
Moi, je suis un homme de 57 ans, actif, curieux, multiple.
J’ai plusieurs métiers, plusieurs amours derrière moi, des enfants, une orientation assumée, des engagements, des remises en question.
Je vis intensément, et je ne planque pas ma parole derrière des euphémismes.
Je parle franchement, je défends ce qui me semble juste, je conteste ce qui me semble tiède ou complaisant.
Et visiblement, cela ne passe pas toujours.
Parfois, affirmer sa vision du monde, c’est prendre le risque de ne plus être fréquentable. Et le mot *« gros con »* surgit comme une ligne de rupture.
Mais au lieu de me blesser, ce mot m’a renforcé.
L’évolution du regard : de la réaction à la compréhension
Je l’écris avec honnêteté : ma première version de ce texte était plus incisive, plus violente, plus dure envers elle.
J’étais en réaction, dans la riposte. J’écrivais sous le coup de l’injustice, de la colère, du besoin de rétablir ma vérité.
Et puis, en relisant, j’ai compris.
J’ai entendu, au creux de cette insulte, bien plus qu’un rejet.
J’ai perçu des frustrations de vie, un conflit intérieur, peut-être même de la souffrance.
Et j’ai changé mon texte.
Parce que répondre à une blessure par une autre ne mène à rien. Parce que je ne veux pas réduire cette amie à ce mot qu’elle a lancé.
Je ne souhaite pas la récriminer
Je reconnais que ma liberté, mon franc-parler, mon refus des compromis mous peuvent déranger.
Et je comprends que cela puisse réveiller des tensions enfouies, des comparaisons douloureuses, ou juste une lassitude d’entendre ce qu’on n’est pas prêt à recevoir.
Oui, nous sommes tous le con de quelqu’un
Car au fond, nous sommes tous le con de quelqu’un.
Le con, c’est toujours l’autre : celui qui pense autrement, qui parle trop fort, qui ne s’excuse pas d’exister.
Il n’y a pas d’insulte plus relative que celle-là. Et si je suis son "gros con" à elle, alors très bien.
Je préfère être ça que de trahir ce que je crois.
Cette insulte n’est pas une humiliation. C’est une déclaration de désaccord irréconciliable.
Elle trace une ligne nette entre deux visions du monde. Elle a la sienne, je n’ai pas essayé de l’écraser. J’ai juste défendu la mienne avec force.
Et si cela suffit à faire de moi un con, alors soit.
Être fidèle à soi-même
Je ne cherche pas l’approbation. Je cherche la cohérence.
Et je veux bien être vu comme trop entier, trop exigeant, trop tranché
si cela signifie rester fidèle à ce que je pense et à ce que je vis
Je préfère déranger que me trahir.
Alors merci, au fond, pour cette insulte.
Elle m’a stabilisé.
Elle m’a rappelé que ce n’est pas parce qu’on s’éloigne de quelqu’un qu’on s’égare.
Parfois, c’est justement en étant traité de con qu’on comprend qu’on est sur le bon chemin.
Conclusion : apprendre à entendre sans se perdre
Recevoir une insulte, surtout d’une personne proche, peut ébranler.
Mais tout dépend de la manière dont on l’accueille.
On peut s’effondrer, se renier, ou chercher à répondre coup pour coup.
Ou bien, et c’est plus fécond, on peut l’écouter comme un révélateur. Une boussole.
Parfois, l’insulte en dit plus sur celui qui la prononce que sur celui qui la reçoit.
Ne pas répondre par la même violence.
Ne pas se mettre à douter de soi à la moindre opposition.
C’est cela, l’apprentissage.
Il y a une maturité à tenir sa ligne sans mépriser celle de l’autre.
À ne pas renier sa voix intérieure pour préserver des liens qui ne tolèrent que le confort.
On peut se sentir blessé — c’est humain.
Mais on peut aussi se sentir éclairé.
Et au fond, c’est ça, grandir :
accueillir le choc sans abandonner ce qui nous fonde.