
03/08/2024
Voici ma traduction d'un beau texte de la psychologue Naomi Fisher. Je tenais à la partager ici car ce texte fera sans doute écho au vécu de nombreux parents, inquiets face aux difficultés de leurs enfants.
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Quand je travaille avec des familles, une de leurs plus grandes préoccupations est celle-ci :
« Et si ça ne changeait jamais ? »
Cette inquiétude commence tôt.
« Et s’ils n’apprennent jamais à dormir seuls ? »
« Et s’ils ne s’auto-apaisent jamais ? »
« Et s’ils ne jouent jamais de manière autonome ? »
Puis plus t**d.
« Et s’ils ne commencent jamais à 'utiliser leurs mots' ? »
« Et s’ils finissent toujours par se coucher par terre en criant quand je leur dis non ? »
« Et s’ils n'apprennent jamais à partager ? »
Et bien sûr, le sous-texte murmuré, secret. Enfoui si profondément qu’on pourrait même ne pas remarquer qu'il est là.
« Et si c'était totalement de ma faute ? »
Cette inquiétude hante les parents. Quand un enfant de 4 ans est agressif, ou qu’un enfant de 6 ans est violent. Quand un enfant de 8 ans n’a pas d'amis, ou encore qu’un enfant de 10 ans ne veut rien faire à part jouer aux jeux vidéo.
C'est déjà assez difficile sur le moment - mais la partie la plus difficile est cette petite voix qui dit « et si c'était comme ça pour toujours ? ». Nous imaginons nos enfants devenir des adultes violents et malheureux, et cela nous terrifie. Nous les imaginons nous blâmer, et tout le monde autour de nous nous blâmer aussi. Nous vivons dans la peur de l'avenir, et cela empoisonne le présent.
L'ironie est que cette petite voix fait paniquer les parents, et quand nous paniquons, nous avons tendance à mettre la pression. Nous devenons moins réceptifs : on pose le bébé et ignore ses pleurs ou on crie sur l'enfant de 5 ans qui vient de pousser sa sœur du canapé.
« Ils doivent apprendre » nous disons-nous. Et quand ils n’« apprennent » pas, nous nous sentons encore plus mal.
Il est difficile d'imaginer son enfant en train de grandir. Ils sont tellement eux-mêmes dans le moment présent. Mais les enfants changent de manière spectaculaire en grandissant. Leurs cerveaux changent, et ce dont ils sont capables change aussi. Les enfants qui frappent et mordent peuvent devenir des adultes compatissants qui se soucient des autres. Ceux qui ne veulent rien faire d'autre que jouer aux jeux vidéo deviennent intéressés par et apprennent toutes sortes de choses. Tout cela n’est pas rendu plus probable en les punissant pour leur immaturité.
Nous ne pouvons pas contrôler les personnes qu'ils deviendront. Nous ne pouvons que faire de notre mieux, avec l'enfant que nous avons maintenant. L'enfant de 4 ans qui ne peut pas encore contrôler son agressivité, et l'enfant de 8 ans qui trouve plus facile d’interagir avec des adultes.
Nous pouvons les rejoindre là où ils en sont. Nous pouvons leur montrer que nous les aimons, tels qu'ils sont. Et de cette manière, nous pouvons maintenir ouverte la possibilité du changement.
Car une chose est sûre. Quand ils seront adultes, nous ne pourrons pas remonter le temps et répondre avec compassion aux enfants qu'ils étaient.
Le seul moment pour le faire, c'est maintenant.
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VO ici :
https://www.facebook.com/story.php/?story_fbid=460879623539636&id=100088528062608
When I work with families, one of the things they are most worried about is this.
‘What if this never changes?’
This worry starts early.
‘What if they never learn to sleep on their own?’
‘What if they never self-soothe?’
‘What if they never play independently?’
Then later.
‘What if they never start to ‘use their words’?’
‘What if they always lie down on the pavement and scream when I say no?’
‘What if they never ‘learn to share’?’
And of course, the whispered, secret subtext. Buried so deep that you might not even notice that it’s there.
‘And what if it’s all my fault?’
This worry haunts parents. When four-year-olds are aggressive, or six-year-olds violent. When eight-year-olds have no friends, and ten-year-olds don’t want to do anything except play video games.
It’s hard enough right now – but the hardest part is the little voice which says ‘and what if it’s like this for ever?’. We imagine our children as violent and unhappy adults, and it terrifies us. We imagine them blaming us, and everyone else around us blaming us too. We live in fear of the future, and it poisons the present.
The irony is that that little voice makes parents panic, and when we panic, we tend to put on pressure. We become less responsive, put the baby down and ignore their cries or shout at the five-year-old who has just pushed her sister off the sofa.
‘They have to learn’ we tell ourselves. And when they don’t ‘learn’, we feel even worse.
It’s hard to imagine your child as they get older. They are so much themselves right now. But children change dramatically as they grow. Their brains change, and what they are capable of changes too. Children who hit and bite can grow into compassionate adults who care for others. Those who want to do nothing but play video games become interested in and learn all sorts of things. This isn’t made more likely by punishing them for their immaturity.
We can’t control the people they will become. We can only do best we can, with the child we have now. The four-year-old who can’t yet control their aggression, and the eight-year-old who finds it easier to relate to adults.
We can meet them where they are. We can show them that we love them, just as they are. And in that way, we can hold open the possibility of change.
For one thing is for sure. When they are adults we will not be able to go back in time and respond compassionately to the children that they were.
The only time to do that is now.