28/04/2025
TRANSCENDER L'EGO.
🌿✨On entend souvent dire qu’il faut transcender l’ego, le tuer, l’abandonner ou l’ignorer. Ces expressions peuvent plonger le chercheur spirituel dans une confusion réelle. Comment accomplir une telle chose alors que l’ego est encore perçu comme étant « moi » ? Comment pourrais-je me laisser tomber moi-même ? Comment pourrais-je me tuer moi-même ? Est-ce seulement possible de vivre sans ego ? Et surtout, est-ce vraiment cela le but recherché ?
Pour répondre à ces questions, il est d’abord essentiel de clarifier ce dont on parle. Concrètement, qu’est-ce que l’ego ? Sinon un processus psychologique, une construction mentale qui apparaît dans la pensée et ne peut exister qu’en référence au passé ou au futur, au sein d’une histoire racontée ? Il ne s’agit pas d’une entité stable, mais d’une suite d’identifications fluctuantes, portées par la mémoire et l’imagination.
Transcender signifie aller au-delà. Cela désigne un dépassement du niveau d’identification actuel. Prenons une image simple : le papillon a transcendé la chenille. Mais peut-on dire pour autant qu’il l’a tuée ? L’a-t-il abandonnée ? Ou bien la chenille était-elle simplement une étape nécessaire, incluse dans son devenir, sans être une réalité autonome ? Le papillon porte en lui l’expérience de la chenille, mais il l’a dépassée. Il ne s’y réduit plus.
De la même manière, une molécule transcende les atomes qui la composent : elle les inclut sans les renier. Et ainsi de suite, jusqu’aux cellules, aux organismes vivants, et au corps humain. Ce dernier englobe une multitude d’éléments sans se réduire à eux. Il n’a pas eu à les détruire pour exister. Il les dépasse, tout en s’y appuyant.
De la même façon, transcender l’ego ne signifie pas l’ignorer ou le combattre. Cela signifie cesser de s’identifier à cette projection mentale appelée « moi », et à l’organisme physique qu’elle prétend incarner. Ignorer l’ego ne le fait pas disparaître, cela le rend inconscient. Or, ce qui est inconscient agit dans l’ombre et nous influence d’autant plus. C’est précisément la pleine conscience, lucide et attentive, qui permet la désidentification. L’ombre ne résiste pas à la lumière. Le mensonge ne tient pas face à la vérité.
En observant l’ego de manière directe, sans jugement ni rejet, on réalise qu’il n’est pas une entité figée. Il n’est qu’un agrégat de pensées, d’émotions et de conditionnements. Il n’a pas d’existence propre. Par cette observation vivante, quelque chose se brise : l’identification. On découvre que l’ego n’est pas en train de s’observer lui-même. Celui qui observe est en dehors de lui, en amont. Ce que nous sommes véritablement, c’est le sujet conscient, non pas ce qui est perçu.
Transcender signifie donc aller au-delà, non pas en supprimant l’ego, mais en réalisant que je suis la conscience dans laquelle il apparaît. L’ego est un objet de perception. Ce que je suis, en vérité, ne peut pas être un objet. Cela ne possède aucune des caractéristiques de ce qui est observé. Et pourtant, ce n’est ni abstrait, ni vide : c’est conscience, présence, c’est existence, c’est ce qui est toujours là.
Avant l’ego, il y a d’abord le simple fait d’être. Avant toute pensée, il y a l’existence nue, silencieuse, la pure conscience d’être. Ensuite seulement, surgissent les formes mentales, les constructions identitaires, les projections appelées ego. La transcendance est la réalisation de cette vérité. Or, la vérité est ce qui ne change pas. Je transcende donc l’impermanence, non en la fuyant, mais en en étant pleinement conscient, tout en demeurant enraciné dans la reconnaissance de ma propre nature immuable.
Un acteur peut s’être identifié à son rôle au point d’en oublier qui il est. Mais pour se rappeler de lui-même, il n’a nul besoin de tuer ou d’abandonner ce rôle. Il a seulement à revenir à lui, à se souvenir. Le personnage, alors, est reconnu comme une simple apparence. Il n’a jamais eu de réalité propre. Il peut continuer à être joué, mais il n’est plus pris pour soi. L’identité n’a jamais été réellement perdue, simplement voilée par une croyance, par une immersion dans une histoire.
La vérité de la Présence est le seul pouvoir capable de créer un véritable décollement vis-à-vis des phénomènes qui apparaissent en elle. Il s’agit d’alterner, naturellement, entre la conscience de nous-mêmes en tant que pure conscience, dans la simplicité d’être, et la conscience des phénomènes de l’ego, vus comme de simples apparitions. Ce qui est réel n’est pas l’objet de connaissance, mais la connaissance elle-même. Et cette connaissance n’est pas une chose : elle est ce qui perçoit toutes choses, sans jamais pouvoir être décrite elle-même.
Ce que je suis ne peut pas être localisé. Ce n’est pas un objet, une idée ou une forme. Ce que je suis est cette présence consciente, toujours disponible, sans début ni fin. Et c’est par l’observation, la vigilance tranquille, que cela devient évident : je ne peux pas être fondamentalement ce que j’observe. Mais faut-il alors faire disparaître ce qui est vu ? Bien sûr que non. Ce serait encore donner une réalité à ce qui n’en a pas. Ce serait croire qu’il faut tuer quelque chose pour être libre, alors que la liberté est justement la reconnaissance que cela n’a jamais été moi.
Peut-être me suis-je identifié au personnage du film, à ses drames, à ses joies. Mais dès que je me souviens que je suis le spectateur, faut-il pour autant que le film cesse ? Non. Il peut continuer. Ce qui est vu n’a pas besoin d’être abandonné, car ce qui est vu n’est pas ce que je suis.
L’ego et le corps créent ensemble l’expérience humaine. Mais je ne suis pas cette expérience. Je suis ce en quoi elle apparaît. Je suis la conscience qui perçoit. Et sans cette conscience, ni le corps ni l’ego ne seraient perçus. Ce qui est premier, c’est la conscience d’être. C’est l’écran silencieux avant l’apparition du film. Et l’écran, lui, est toujours libre du film. Il n’en partage pas les caractéristiques.
Je peux très bien laisser le film se dérouler, tout en restant dans la claire vision que je suis l’écran. L’ego peut apparaître ou non, cela ne change rien à ce que je suis. Car l’ego n’est qu’une pensée. Un processus de projection. Et je suis l’éternel maintenant dans lequel cette projection apparaît.
Alors quand on parle de transcender, d’abandonner ou de tuer l’ego, il ne s’agit, au fond, que d’une seule chose : la désidentification. Et cette désidentification ne demande aucun effort violent. Elle est simplement le fruit de la pleine conscience et de l’assise paisible dans notre vraie nature, en tant que pure Conscience et conscience d’être.
Henri Seignier
Enseignant spirituel
Henri Satsang - Eveil , Non-Dualité, Spiritualité.