
28/08/2025
Je constate au cabinet que c'est un phénomène montant chez les ados, loin d'être anodin, et qui rend encore plus inextricable pour des jeunes qui se construisent de questionner certaines relations bien réelles toxiques où "ce n'est pas si grave telle ou telle [violence], il y a pire", quand elles sont nourries par la dark romance en parallèle.
Ces contenus sont promus sur TikTok etc. souvent par des jeunes femmes qui font figures de modèles pour ces adolescentes qui se cherchent, sans mesurer à priori leur responsabilité d'adulte en faisant la promotion de relations violentes avec torture, sévices, mépris, soumission... Parlons-en, informons, ne laissons pas ces jeunes se construire avec ces repères là comme norme acceptable.
La Dark Romance est un genre littéraire qui explore les interdits et suscite de nombreuses controverses. Décrit comme le petit frère psychopathe de la New Romance, il s’est d’abord développé sur internet via le site Whattpad. Ce phénomène de librairie séduit un large public, notamment des jeunes filles. Faut-il s'en méfier ? Oui, et on vous explique pourquoi.
Les récits de Dark Romance reposent souvent sur des archétypes bien établis. Des héroïnes vierges et naïves, souvent jeunes et inexpérimentées, sont mises en scène. Elles se retrouvent face à des hommes dominateurs et toxiques. Des figures aux charmes irrésistibles malgré leurs comportements abusifs et leurs actes odieux.
L’archétype de séduction du beau ténébreux, mystérieux et musclé, au passé trouble, continue de fasciner. Enfin, le mythe « enemies to lovers » (d’ennemis à amants), incarné par exemple dans la Belle et la Bête, est constamment utilisé au cours du développement narratif.
➡ Un genre littéraire qui banalise les violences
Au-delà des clichés, la Dark Romance se distingue par son approche très crue et graphique de la violence. Elle est ici psychologique, physique et surtout, sexuelle. Les héroïnes féminines sont quotidiennement soumises à des humiliations, menaces, et même des viols. Un contenu « trash » et vendeur, qui banalise les abus, les romantise et les érotise. Camille Emmanuelle, autrice féminisite et journaliste, y voit une glamourisation de la violence masculine.
Dans Captive de Sarah Rivens, l'héroïne est prostituée, brûlée sur une plaque de cuisson et séquestrée. Le personnage masculin incarne à la fois l’amant et le bourreau. Plumes du Web, éditeur de Le Serpent et la Mule, met en garde avec des trigger warnings. Ces avertissements incluent tortures, meurtres, viols, harcèlement, menaces et suicides. S'ils semblent essentiels, ils sont paradoxalement absents des couvertures.
➡ La Dark Romance : des ventes colossales
Le genre connaît un succès commercial impressionnant depuis quelques années. Aujourd’hui, la trilogie Captive s’est vendue à plus de 500 000 exemplaires. Elle trône toujours en tête des ventes. Un véritable tour de force pour la jeune algérienne de 25 ans !
On trouve ces titres très facilement en librairie ou sur internet. Les couvertures sont colorées et arborent des motifs esthétiques et complexes. Étrangement, elles ne contiennent aucun avertissement visible, à l’inverse des boîtiers de films, de séries ou de jeux vidéo.
➡ Un genre viral chez les jeunes filles
Mais le plus inquiétant se trouve être le lectorat de la Dark Romance. Ce dernier se situe majoritairement entre 12 et 18 ans... Un public adolescent, essentiellement féminin, jeune et inexpérimenté.
On peut donc s’interroger sur l’impact d’une telle littérature pour toute une génération. Car la Dark Romance présente une caricature du couple et des relations amoureuses toxiques. Le genre semble aussi faire l’apologie des milieux violents et misogynes, où la femme est relégué au rang d’objet. Les violences que subissent ces héroïnes peuvent aussi avoir un impact psychologique potentiel sur les jeunes lectrices.
Il semble judicieux d’instaurer un accompagnement et un dialogue autour de ces thématiques. Une communication bienveillante dans le cercle familial, ainsi qu'à l’école. Car le combat contre les violences sexistes et sexuelles est loin d’être gagné. Et si la Dark Romance semble banaliser ces abus, elle pourrait aussi aider à en prendre conscience.
➡ Accompagner et sensibiliser
En jouant sur la frontière entre amour et violence, la Dark Romance soulève un débat important. Celui de la responsabilité des auteurs et des éditeurs face à leur jeune public. Si elle séduit par son intensité émotionnelle et ses intrigues captivantes, elle ne doit pas être lue sans un regard critique.
C’est ce que fait remarquer Magali Bigey, maîtresse de conférence en Sciences de l’Information et de la Communication. Loin d’être anodine, la popularité du genre chez les adolescentes interroge sur la représentation des relations amoureuses et la perception des rapports de force. L’accompagnement des (jeunes) lectrices et la sensibilisation aux thématiques abordées restent essentiels pour éviter une normalisation des abus sous couvert de fiction romantique.
✍ Florian DOARE
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