22/07/2025
🌸 𝕷𝖊 𝕵𝖆𝖗𝖉𝖎𝖓 𝖒𝖊𝖉𝖎𝖊𝖛𝖆𝖑 🌸
Le Jardin, au Moyen-Âge, c'est un univers. Ce n'est pas juste un carré de terre travaillé utilement afin d'en tirer la source de sa subsistance. Il symbolise la présence du divin, il incarne le paradis sur terre et il rappelle à l'être humain qu'il est un passage l'invitant à se souvenir de sa véritable nature.
Le jardin médiéval était souvent associé à un monastère ou à un château, entouré de murs ou de haies défensives pour le protéger des animaux sauvages. Les moines ou les moniales organisaient l'espace extérieur du monastère autour d'un cloître dédié à la méditation. Sa structure était avant tout symbolique et porteuse de sens afin de soutenir la contemplation et de participer à l'élévation de l'âme. Il reposait sur quatre parterres disposés en croix autour d'une fontaine centrale, symbole de vie, d'abondance et de pureté.
🌸 L'herbularius était le sanctuaire des simples, c'est-à-dire des fleurs et des plantes aromatiques qui soignent. Les moines et les moniales cumulaient différentes fonctions qui leur permettaient de soutenir et d'accompagner la population locale, ils étaient médecins, botanistes et apothicaires. Hildegarde de Bingen en est l'exemple le plus connu.
🌸 L'hortus accueillait les plantes alimentaires, les légumes, les racines.
🌸 Le viridarium, ou verger, abritait les arbres fruitiers et il était souvent associé au cimetière.
🌸 On y trouvait aussi une partie ornementale appelée « Jardin de Marie », dédié à la Mère
Divine. Cet espace unique était particulièrement dédié à la prière et à l'inspiration. Chaque élément répondait à des symboles et des codes précis : la couleur, les types de fleurs, la présence de l'eau, etc... afin d'honorer et d'inviter cette énergie féminine. On y trouvait des Lys blancs, symboles de la pureté de l'âme et de la beauté divine, des Iris qui deviendront par extension le premier symbole de la royauté. La Pivoine avait aussi une place centrale, elle qui est appelée « rose de Notre Dame ». On pouvait aussi y admirer des Bleuets, des Œillets, des Ancolies, des Glaïeuls, des Giroflées, qui toutes sont reliées à l'énergie de la Vierge.
🌹 La Rose était blanche, signe de pureté et de sagesse, ou rouge, symbole de la passion du Christ. Elle marquera les esprits de cette période à travers le très célèbre « Roman de la Rose », témoin d'une époque qui voit se développer l'art des troubadours, de la poésie occitane et de l'amour courtois.
Les jardins associés aux châteaux étaient nourriciers mais ils étaient aussi des lieux de détente et de plaisir qui nourrissaient les sens et invitaient à la contemplation.
🌿 Les plantes cultivées dans les jardins médiévaux étaient issues de la nature et des forêts
environnantes. Mais elles provenaient aussi des voyages et des échanges car contrairement à ce que l'on croit, l'être humain n'a pas attendu l'ère moderne pour répondre à l'appel de l'aventure et parcourir le monde ! Les jardins s'enrichissaient de
plantes venues d'Europe, de Méditerranée, du Moyen-Orient et d'Asie. De nombreux textes les répertoriaient, ainsi que la façon de les transformer, de les conserver et de les administrer. Le capitulaire « De Villis », ordonné par Charlemagne, désignait aux gouverneurs du territoire une centaine de plantes médicinales qui devaient obligatoirement être cultivées dans les villes et les villages afin de soutenir la santé des populations et éviter les épidémies. Le romarin et la sauge faisaient partie de cette liste de plantes précieuses protectrices.
🌳 La médecine au Moyen-âge était essentiellement une médecine des plantes. Les vertus des simples étaient connues et transmises grâce à une tradition orale et écrite qui s’appuyait sur l'observation, les expériences et la pratique, approfondies au fil des siècles. Cette connaissance n'était pas analytique (la façon dont nous percevons le monde aujourd'hui) mais analogique (reliée au sens et à la totalité plutôt qu'à une seule partie). Dans cette manière d'aborder la nature, il n'y a pas de différence entre les parties et le tout, entre le profane et le sacré, entre le « naturel » et le « surnaturel ». Cette médecine des plantes se mêle à la mythologie, à l'astrologie, à l'art, à la connaissance des minéraux, à des pratiques animistes intégrées par le christianisme et également à la magie. On ne sépare pas ce que l'on appelle aujourd'hui « la science » et « la spiritualité ». Il n'y a pas de distinction car tout participe à la vie et à la connaissance, et c'est donc indissociable, se priver de l'un ou de l'autre revient à ne voir qu'un aspect de la réalité et à éluder une part de vérité.
🌿 C'est cette conception qui a permis le développement de ce qu'on a appelé « la théorie
des signatures », qui consiste à attribuer une vertu à une plante en fonction d'une ou de ses caractéristiques : la Bourrache dont les feuilles ressemblent à des poumons et la Pulmonaire dont les feuilles portent des tâches en forme d'alvéoles étaient utilisées pour les maladies de poitrine, le Saule qui pousse les pieds dans l'eau soulageait les rhumatismes. L'Hépatite soignaient les maux du foie puisque ses feuilles se partagent en trois lobes comme le foie. De même pour la Chélidoine dont le suc jaune rappelle la couleur de la bile.
La purge était aussi une pratique centrale dans cette médecine des plantes. Elle était essentielle pour libérer l'organisme de ses miasmes, de ses poisons et de ses mauvaises influences ou « humeurs ». Une panacée pour le corps et pour l'âme. On utilisait alors certaines Euphorbes, du Ricin, de la petite Camomille, de la Germandrée ou encore de la Rue fétide qui avait aussi une fonction protectrice (notamment contre la magie
noire).
🧙🏼 Les plantes étaient perçues comme des êtres hébergeant des esprits, certains étaient doux, conciliants et aidants, d'autres étaient perçus comme difficiles, lunatiques ou exigeants. Ces plantes particulières étaient principalement utilisées par des guérisseuses et guérisseurs avertis qui ont été nommés « sorcières » et « sorciers » lors de l'inquisition et de la tragique chasse aux sorcières. Cette période sombre marquée par l'intolérance et l'ignorance ne débuta pas au Moyen-âge, comme on l'entend très souvent, mais au contraire au milieu du XVe siècle qui correspond au début de l'ère moderne - appelée
« Humaniste »... - et qui voit l'essor de ce qui deviendra « la science ».