10/08/2025
On nous répète aujourd’hui qu’il faut être puissantes, prendre notre place, oser briller, parler haut et fort, nous affirmer dans toutes les sphères de notre vie. On nous encourage à “devenir la meilleure version de nous-mêmes”, à “sortir de notre zone de confort”, à “oser plus grand”… et sur le papier, tout cela semble noble, inspirant, libérateur. Mais quand on gratte un peu la surface, on se rend compte que ce discours, si séduisant soit-il, cache parfois une vieille mécanique bien connue : celle qui nous pousse à performer, à produire, à en faire toujours plus, exactement comme le système patriarcal l’a toujours exigé, sauf qu’au lieu de porter un costume-cravate, on le déguise en robe fluide, cristaux dans les mains et photo face à la pleine lune.
On nous dit de nous libérer, mais on nous impose un rythme qui n’a rien de libérateur. On nous parle d’oser, mais dans un cadre où l’audace ressemble étrangement à la compétition. On nous invite à “incarner notre lumière”, mais souvent avec une pression silencieuse : celle d’être visibles, attractives, inspirantes… bref, de servir encore quelque chose ou quelqu’un. Les codes ont changé, mais le fond reste le même : produire des résultats, atteindre des objectifs, se dépasser, même au prix de notre santé, de notre énergie, de notre corps.
Et dans ce grand théâtre de l’empowerment, on oublie de dire que la puissance féminine n’est pas la copie inversée de la puissance masculine. On oublie que la force peut résider dans l’immobilité. Que le courage peut consister à dire non, à ralentir, à ne pas se montrer. Que la grandeur d’âme se trouve parfois dans un geste de retrait, dans un silence assumé, dans la fidélité à un rythme qui ne correspond à aucun agenda productiviste.
Le faux empowerment te promet la liberté mais te lie à une autre forme d’injonction : celle d’être toujours “dans ton plein potentiel”, toujours en train de créer, d’enseigner, de publier, de performer. Il te demande de t’extirper de ton lit même quand ton corps implore le repos. Il te pousse à mettre un sourire devant l’objectif même quand tu as envie de pleurer. Il te répète qu’il faut “passer à l’action” alors que parfois, la seule action juste est de rester là, immobile, à écouter ce qui se passe à l’intérieur.
Le vrai empowerment ne se mesure pas à ce que tu accomplis aux yeux du monde, mais à ta capacité à rester fidèle à toi-même, même quand cela te rend invisible, incomprise ou dérangeante. Il n’est pas toujours flamboyant. Il peut être lent, discret, profondément intime. C’est la puissance de celles qui connaissent leurs limites et les honorent. C’est la souveraineté de celles qui ne se laissent pas acheter par des promesses de gloire ou de visibilité. C’est la liberté de celles qui choisissent leur chemin, même s’il ne ressemble pas à celui que tout le monde attend.
Et c’est peut-être ça, la vraie révolution : refuser de troquer une cage contre une autre, même si la nouvelle est décorée de plumes, de chants et de belles paroles.
Cindy Pinchart