
13/05/2025
Je suis une mauvaise herbe.
Je suis une mauvaise herbe, et j’en suis fière.
Parce que si être magique, libre et invincible, c’est ça être mauvaise… alors que l’on m’appelle ainsi jusqu’à mon dernier souffle !
Je suis l’ortie. On m’évite, on me redoute, on m'arrache… mais je nettoie, je nourris, je reminéralise, j'ancre et je transmute, je protège le corps et l'esprit.
Je suis le plantain. On me piétine, on me dénigre et pourtant je guéris les morsures, les piqûres, j'adoucis les colères.
Je suis le lamier. Trop souvent confondu, jamais reconnu. Et pourtant, j’apaise les lunes douloureuses et suis l'alliée de la femme sacrée, j'apaise les inflammations.
Je suis la ronce. On me déteste, on me coupe, on me broie mais je reviens plus forte, armée de baies miraculeuses et de griffes acérées. Je protège, je prolonge la jeunesse, je reminéralise, je cicatrise la chair et l'âme.
Je suis l’armoise. L'envahissante ligneuse tant redoutée. Sorcière des routes, alliée des femmes et de leurs cycles, je montre les rêves oubliés, je purifie, j’ouvre les portes des mondes et les connecte entre eux.
Je suis la bourrache. Malgré ma beauté, je pique et j'irrite mais j'offre du courage en bleu éclatant, je régule, j'adoucis, je redonne du cœur là où tout s'effondre et révèle la déesse en chacune.
Je suis le pourpier. L'invitée surprise envahissante. Insoumise, croquante, chargée de force et d’omégas.
Je suis la pariétaire de Judée. Je pousse sur les murs, qu’on a dressés entre les âmes, pour recréer du lien, je suis l’amie silencieuse des reins fatigués.
Je suis le gaillet gratteron. Je m'accroche à tout ce que je peux comme je m'accroche à la vie, je nettoie la lymphe et j’étreins les fraises avec tendresse.
Je suis le trèfle. Je m'invite partout en plaques touffues. J’offre la chance, le fourrage, l’azote et l’abondance. Je suis l'énergie vitale à son état pur.
Je suis la vergerette du Canada. Je remplis les friches de ma gaité, ressemblant à une pâquerette sur de longues jambes.Voyageuse tenace, j’accompagne les reins, j’ouvre les chemins de la conscience.
Je suis l'achillée millefeuille. Je recouds les chairs, les âmes, les frontières, je redonne courage quand tout semble fini.
Je suis l’herbe qui pousse dans la fissure, celle qu’on n’a pas plantée, celle qu’on arrache, qu’on piétine, qu’on oublie, mais qui revient.
Je m’accroche. Je me glisse. Je me faufile. Je prends racine dans le béton, dans les ruines, dans les Marges.
Je suis vivace. Résiliente. Insaisissable.
On m’a brûlée, arrachée, oubliée.
On a voulu me faire croire que je ne valais rien, que j’étais de trop, envahissante, piquante voire méprisante. Mais j’ai appris à faire de mes épines des bijoux, de mes racines des sortilèges, de mon silence un chant de bataille et de mon rire une fessée aux convenances.
Je suis l’indésirable, la sauvage, l’insolente.
Je suis la cicatrice verte.
Je suis la beauté de ce qu’on ne regarde plus.
Je suis une mauvaise herbe. Et j’en suis fière.
Par Marjorie Antares et Plume de paon