
01/05/2025
— Apporte-moi, je t’en prie, mon petit Roux… Pour lui dire adieu. Ne le mets pas de force dans le sac, parle-lui. Il comprend tout.
Le fils acquiesça, le cœur serré, et partit chercher le chat. Roux, vieux et presque aveugle, avait été ces dernières années l’unique compagnon fidèle de son père malade. Ils étaient restés unis, jour et nuit — silencieux, fatigués par la vie, mais toujours l’un près de l’autre.
Lorsque le fils revint, le père pouvait à peine bouger. Allongé, les doigts tremblants agrippés au drap, il hochait doucement la tête à ses paroles. Ses lèvres remuaient à peine, son souffle n’était qu’un murmure. Seuls ses yeux, pleins de douleur et d’amour, semblaient encore chercher quelque chose.
Le fils déposa Roux sur le lit.
— Dis-lui au revoir, mon Roux… — dit-il d’une voix vacillante, en rapprochant le chat de l’oreiller. — Tu veux que je te montre où est papa ?
Mais Roux n’avait besoin d’aucune indication. Comme guidé par un instinct plus fort que la vue, il s’avança d’un pas assuré, étendit ses pattes et se pelotonna contre le visage de son humain bien-aimé.
— Roux… Mon doux Roux… — souffla le vieil homme dans un souffle presque inaudible.
Le chat aveugle frottait son museau contre ses joues, ses lèvres, tentant de recueillir jusqu’à la dernière parcelle de chaleur. Et de ses yeux troublés par la maladie jaillirent de vraies larmes.
Dans un ultime effort, le père leva la main, tremblante, et la posa sur la douce fourrure. Les doigts bougeaient à peine, mais Roux sentait tout — la chaleur, l’amour, la détresse.
Le fils restait debout, les larmes coulant librement sur ses joues. Jamais il n’avait vu quelque chose d’aussi déchirant et lumineux à la fois.
— Merci… pour tout… — murmura le père dans un dernier souffle. Sa main s’immobilisa. Et Roux demeura blotti contre lui, comme s’il savait que s’il lâchait prise, son humain s’en irait pour toujours.
La pièce s’emplit de silence. Seul résonnait un léger ronronnement — comme si le chat essayait, par sa voix, de retenir la vie, de la ramener.
Le fils s’assit au bord du lit et recouvrit la main fine, déjà froide, de la sienne.
— Papa… — dit-il tout bas. — Nous sommes là. Tu n’es pas seul…
Roux ne bougea pas, resté contre lui, figé. Comme si son petit cœur venait de se briser.
Puis il leva la tête et poussa un faible miaulement — bref, triste, presque humain. Comme un appel. Comme une supplique pour qu’il revienne.
Le fils resta immobile, observant Roux se rapprocher encore du visage, lécher doucement les paupières closes, avant de se recroqueviller à nouveau, l’enlaçant de tout son corps. Comme s’il voulait absorber toute la douleur et le froid que plus rien ne pouvait arrêter.
Les minutes, les heures s’égrenèrent — nul ne les compta. Le temps s’était suspendu.
Plus t**d, le fils raconterait que, cette nuit-là, il avait compris qu’il existe un amour si pur, si silencieux, si vrai, qu’aucune langue au monde ne saurait le dire.
À l’aube, Roux était toujours là, couché tout contre lui. Il n’était pas parti. Il ne l’avait pas quitté. Il était resté à son poste, veillant le dernier silence de son humain bien-aimé.
Et ce n’est que lorsque le fils, en larmes, le prit dans ses bras et le serra contre son cœur que Roux soupira doucement, enfouit son museau dans sa main… et ne bougea plus. Il avait accompli sa mission. Jusqu’au bout.
Pour toujours.
GARRITAS — L’amour des animaux.