06/08/2025
On n'aurait pu penser qu'il s'agit d'un commentaire du ''Traité des vertus'' de Jankelevitch, peut être d'un clin d'oeil éventuel, mais assurément, pourrait-on dire, de l’histoire d’une carence essentielle – celle de ce qui n’a pas eu lieu, mais qui aurait dû advenir pour soutenir le développement psychique, affectif et neurologique de l’enfant.
Distinctement d’un traumatisme explicite — abus physiques, violences verbales, agressions sexuelles, catastrophes — qui porte la mémoire d’une blessure causée par un acte, un événement marquant introduisant une rupture identifiable dans le cours biographique du sujet, la négligence prématurée se distingue par son absence de traces visibles. Elle ne se constitue pas comme la mémoire d’un événement, mais comme le souvenir d’une absence, un trauma d’omission, insidieux, diffus, larvé. Ce n’est pas l’irruption violente d’un surcroit dans l’histoire du sujet, mais l’empreinte silencieuse d’un manque chronique de résonance.
Il ne s’agit donc pas d’un choc ponctuel, mais d’un climat relationnel carencé, d’une atmosphère affective tissé de non-réponse, de désaccordage émotionnel, d’inconsistance du lien. Ce qui aurait dû se réaliser — l’atténuement, le regard miroir, le toucher sécurisant, la présence régulatrice — ne s’est pas, ou si peu, manifesté. Or, ce presque rien n’est pas rien pour le psychisme en construction. Il oblitère d’un sceau invisible mais indélébile : des trous de vécu que l’enfant ne peut ni nommer ni penser, mais que l’adulte continue d’éprouver sous forme de vide intérieur, de désaffiliation existentielle, ou de troubles identitaires et relationnels.
La négligence ne constitue pas une non-expérience, mais bien une expérience du non, de l’indifférence structurante, dont la violence réside dans le fait qu’elle dépossède le sujet de sa valeur d’être-aimé, l’empêchant de se vivre comme digne d’attention, d’affection, de protection. Elle entrave ainsi la formation d’un soi cohérent, intégré, continûment éprouvé dans la sécurité d’un lien fiable. Lire la suite
La négligence précoce est l’histoire d’une carence essentielle – celle de ce qui n’a pas eu lieu, mais qui aurait dû advenir pour soutenir le développement psychique, affectif et neurologique de l’enfant.