06/11/2025
Pourquoi certains patients refusent une transplantation rénale ?
Bien que la transplantation rénale soit largement reconnue comme le traitement de référence pour l’insuffisance rénale terminale, une proportion significative de patients éligibles choisit de ne pas y recourir. Quelles sont les raisons de ce refus ?
Une étude qualitative fondée sur une approche phénoménologique interprétative a été menée auprès de 30 adultes au Royaume-Uni ayant décliné une transplantation rénale. Les entretiens semi-structurés, réalisés entre août 2022 et juin 2023, ont été analysés à l’aide de la théorie du comportement planifié et le Cadre du Décideur Adaptatif pour mieux comprendre les processus décisionnels. Quatre thèmes principaux ont émergé :
Impact des expériences passées négatives
De nombreux participants ont vécu des parcours marqués par des diagnostics tardifs, un sentiment d’abandon médical ou des erreurs perçues, engendrant une méfiance durable envers le système de santé. Certains attribuaient leur insuffisance rénale à une iatrogénie évitable. Les échecs de greffes antérieures étaient décrits comme traumatisants, renforçant la peur des traitements immunosuppresseurs. La pandémie de Covid-19 a accentué la réflexion et le retrait, mettant en lumière des lacunes dans la continuité des soins et offrant plus de temps pour reconsidérer les options thérapeutiques.
Attitudes, croyances et perceptions négatives
Les patients appréhendaient la durabilité des greffes et les risques post-opératoires (cancer, diabète, rejet). Ces inquiétudes s’appuyaient sur leurs expériences personnelles et des récits d’échecs observés. Certains se sentaient « trop vulnérables » pour la chirurgie ou « trop âgés » pour bénéficier d'un organe. Des freins psychologiques et culturels ont été mentionnés : réticence face à un organe de donneur décédé, anxiété liée au don vivant, ou croyances spirituelles sur l’intégrité corporelle.
Préférence affirmée pour le refus
Loin d’être passifs, les participants revendiquaient leur refus, parfois face à une pression médicale ou familiale. Ils dénonçaient une approche paternaliste et un manque de décision partagée, percevant parfois une rationalisation économique derrière l'insistance médicale. Se retirer de la liste d’attente a été perçu comme un acte d’autonomie et un soulagement, motivé par une qualité de vie jugée satisfaisante sous dialyse.
Avantages perçus de la dialyse
Pour cette population, la dialyse n’est pas vue comme un échec mais comme un choix stable et compatible avec la vie quotidienne. L’hémodialyse à domicile offrait contrôle, liberté et équilibre, sans les risques inhérents à une intervention chirurgicale. Certains patients jugeaient leur qualité de vie sous dialyse équivalente ou supérieure à celle attendue après une greffe. Pour les patients pré-dialysés, la greffe pouvait également être perçue comme prématurée tant que la fonction rénale permettait une vie active.
Implications et limites
Cette étude montre que le refus de transplantation constitue une décision réfléchie, ancrée dans des expériences traumatiques, des préférences personnelles et une évaluation nuancée des risques et bénéfices. Elle invite à repenser l’approche biomédicale dominante en valorisant la décision partagée, le respect de l’autonomie et la reconnaissance de la dialyse comme choix thérapeutique légitime.
Conduite auprès d’un échantillon limité dans un contexte spécifique, cette étude ne permet pas de généraliser les résultats à toutes les populations ou systèmes de santé. Les participants pouvaient avoir des opinions particulièrement tranchées, introduisant un biais. Les données reposent uniquement sur les récits des patients, sans intégrer le point de vue des professionnels ni d’analyses médicales objectives, limitant ainsi la compréhension globale du phénomène. Enfin, comme toute recherche qualitative, l’interprétation des chercheurs intriduite une part de subjectivité dans l’analyse.
Le refus de transplantation rénale apparaît comme une décision rationnelle et informée, façonnée par des expériences traumatiques, des préférences personnelles et une recherche d’autonomie. Ces résultats soulignent la nécessité d’adopter une approche davantage centrée sur le patient, intégrant la décision partagée et reconnaissant la dialyse comme option thérapeutique légitime.
Geneviève Perennou
Jim.fr