
03/01/2019
DEF SI XEL
PENSER EN PHILOSOPHIE
AGORA PHILOSOPHIE
Penser ?
Quand Hannah Arendt ose cette phrase, le double sens, à l’instar de la banalité du mal, ne manque pas de faire réagir. Il n’y a pas de pensées dangereuses, penser en soi est dangereux.
Plongez dans les verts d’une jungle luxuriante aux reflets dorés, pour un voyage dépaysant et glamour
Penser est difficile, parce qu’une telle activité nous oblige à voir le monde en face, à ne plus nous soustraire à ce qu’il est, mais aussi à ce que nous sommes. Rien n’est plus délicat que de poser ses yeux sur les beautés comme sur les horreurs des Hommes et du monde. Exercer sa liberté dans sa pensée, c’est accepter, encore, que cette dernière puisse se perdre dans des chemins tortueux. C’est accepter l’idée même de la responsabilité, d’être à l’origine de ses pensées.
Le reste du monde ne vient plus plaquer dans notre cerveau des idées préconçues. Je suis propulsé à la plus haute définition de la liberté alors même que je n’avais pas nécessairement choisi de le devenir. La pensée vient gonfler un peu plus encore l’angoisse existentielle qui nous habite. C’est atteindre doucement ce qui fait de nous des êtres humains.
Oui, penser en soi est dangereux. Penser fait peur, inquiète, parce que ce que nous aimons occulter d’habitude, le Mal, le Chaos, la complexité, nous reviennent de plein fouet.
Cesser de penser, cesser de vivre
Arendt répondrait par l’Amor mundi, parce qu’il nous faut aimer ce monde. L’on pourrait affirmer ici que sont négligés les sentiments. L’on pourrait en effet penser qu’il est nécessaire d’éteindre le cerveau, même quelques minutes, pour laisser parler son cœur. L’amour et l’amitié, pour ne citer qu’eux, seraient alors débarrassés du parasitage du cerveau, de la conscience, des processus bien huilés, pour pleinement s’exprimer.
Notre incommensurable liberté permet de choisir de nous abandonner dans l’amour, dans la création, dans la jouissance. C’est parce que nous avons pensé que nous avons accepté le risque d’aimer. Les détricoter, les faire nôtres est le seul moyen de nous extirper de l’état actuel et d’atteindre cet état personnel désiré, inaccessible s’il est censuré par la vision des Autres. Des cerveaux en veille Cesser de penser n’est rien d’autre que l’interruption de jugement qui conduit à la banalité du mal, tels que vus et revus avec Arendt et Terestchenko.
L’intelligence artificielle et les révolutions technologiques sont clairement des défis à relever pour éviter d’anéantir définitivement la pensée humaine. Nos cerveaux doivent donc être en veille. Penser « un peu » reviendrait à avoir seulement conscience des grands mécanismes qui cherchent à structurer nos vies , mais s’y soumettre tout de même. Penser « un peu », ce serait faire des autres à la fois un moyen et une fin, et finalement poursuivre le processus déjà enclenché et ici dénoncé.
Nos cerveaux ont souvent été éteints. C’est un état flottant depuis que l’Homme est Homme, autrement dit une propension à la mise en veille des cerveaux, mais tout de même capables
Des expériences humaines se rallumer parfois. Tentons de les maintenir allumés en permanence. La veille des cerveaux, ce sera veiller sur les autres et leur ouvrir une nouvelle parcelle d’humanité, entre eux et nous.
Ce sera revivre ensemble, côte à côte, en étant capable de regarder devant nous, pour aimer ce monde désormais réouvert, mais aussi à côté, sur nos compagnons de vie, sur ceux qui veillent sur nous et sur qui nous veillons. Guillaume Plaisance
litterature
Introduction à la poésie
Seraient-ce les thèmes ? Est "poétique" ce qui suscite le rêve, la méditation, ce qui inspire des sentiments élevés. Les poètes modernes ne cesseront de retrouver, par le travail du rythme et des sonorités, cet état chantant que l'on appelle aujourd'hui « lyrisme ». La poésie peut chercher à représenter la réalité en la décrivant à la manière d'un tableau figuratifThèmes et rôle du poète . La poésie a alors un rôle libérateur pour le poète comme pour le lecteur, car cette extrême subjectivité est aussi un miroir pour chacun, l'occasion de voir exprimés les plus complexes et les plus infimes mouvements de l'âme.
Elle peut alors adopter le registre satirique ou didactique, intégrer le récit. La poésie, qui s'écrit dans une langue autre, régie par des règles extraordinaires, renouvelle nécessairement notre regard sur le monde et cherche à dire ce que le langage commun ne peut qu'esquisser grossièrement. Dans une grande économie de moyens, en quelques vers, quelques images jaillies de rapprochements audacieux, elle tente non seulement de dire mais d'exprimer, de restituer, de cristalliser la densité complexe des expériences humaines.
Le lyrisme de Paul Verlaine
Verlaine pourrait être un prénom de femme. Un brin de laine noué autour de poésies très douces. Sa mère endura ses coups, Mathilde subit ses brutaux retours de beuveries, Arthur l'affronta au couteau... Ceux-ci et quelques autres qui l'ont croisé vers la fin de sa vie, entre cafés et hôpitaux, ont su quelles violences se dissimulaient derrière l'éperdue douceur de ce mélancolique amateur d'absinthe qui rendit sa musique à la poésie de la fin du XIXème siècle. Il tient dans ces deux longs poèmes un discours habile, souvent moqueur, joyeusement déraisonnable, qui se plaît à tourner en dérision les stéréotypes romantiques, plus qu'à militer résolument pour l'esthétique nouvelle. Si Verlaine a le goût des vers bien travaillés et des formes savantes, il accorde trop de prix aux impressions vagues et aux nuances de l'âme, à la fugitivité du sentiment et au charme de la mélodie pour jamais se faire un dogme de l'impassibilité. De même, son oeuvre reste trop personnelle et trop résolument «naïve» pour se lancer à la poursuite des analogies complexes et des «impollués vocables» dont s'enchanteront les symbolistes. Ainsi fait-il avant tout figure de «passeur», autant que de passant, par les innovations techniques dont il a su se rendre capable et dont ses successeurs tireront profit. Privilégiant l'élément musical par rapport à l'image, amenuisant la rime, assouplissant l'alexandrin, généralisant l'emploi des vers impairs, multipliant les négligences savantes, allégeant la syntaxe, faisant boiter le rythme, usant volontiers d'un lexique archaïque, ayant recours parfois au style parlé et aux tournures populaires, Verlaine donne l'illusion d'une langue immédiate et directe qui serait la langue même de l'âme, c'est-à-dire des infinies ou indéfinies nuances de la vie intérieure, plutôt que des idées ou des sentiments.
Plus que sa subjectivité propre, elle-même davantage murmurée que «dite», plus chantonnée que véritablement «exprimée», amincie et bientôt indistincte, il fait ainsi entendre la capacité singulière du langage à irréaliser ce qu'il touche.
A la différence de Baudelaire, Rimbaud ou Mallarmé, Verlaine s'est rarement exprimé sur son art avec la rigueur d'un critique. « C'est peut-être naïf ce que je dis là, mais la naïveté me paraît être un des plus chers attributs du poète, dont il doit se prévaloir à défaut d'autres». Comme l'indiquent certains titres de recueils, ou de groupes de poèmes, tels les Romances sans paroles ou les Ariettes oubliées, l'élément musical est à même de rendre possible l'oubli de la parole discursive et du pathos où s'enlisaient maints romantiques de second ordre. Ainsi, dans l'univers démodé et brumeux des Fêtes galantes, rôdent longuement des figures blêmes, fantasques et «quasi tristes» qui ne sauraient évoquer autrement qu'avec une nostalgie teintée d'ironie, le temps ancien des perruques poudrées, des rubans et des «façons» de l'éloquence classique.
A l'état de lyrisme qui suppose bien de l'énergie, il a substitué la nuance, laquelle est infinie, et le charme qui «est toujours naissant». Emporté deçà, delà par le vent d'automne, enveloppé de brouillards et de pluie, le «je» verlainien tend vers l'impersonnel. Comme la pluie automnale, vivre est un doux désastre, un re**rd, un suspens, une chute ou une dérive qui se prolongent et auxquelles on acquiesce comme au temps qui s'en va et qu'on ne retient pas.