01/09/2017
La diaspora, un espoir pour le développement de l’Afrique
(Ferdinand Mayega, Journaliste, chercheur freelance Toronto, Canada)
La diaspora africaine doit jouer un rôle non négligeable dans le développement durable de l’Afrique. En effet, la notion de diaspora est vieille comme le monde.Le mot diaspora qui signifie la dispersion dérive du grec « sporo » qui veut dire la « graine » et « speira » qui signifie « semer ». En d’autres termes, la diaspora d’une manière générale doit constituer une opportunité de progrès. Depuis la nuit des temps, nous savons l’apport de la diaspora hellénique dans l’Égypte pharaonique pour l’émergence de la Grèce antique
En Afrique, on estime que plus de 23.000 diplômés émigreraient chaque année dans les pays du Nord. Cette émigration coûterait environ 4 milliards de dollars. Ces intellectuels de la diaspora, pour une grande majorité, se coupent généralement du tronc commun qui est l’Afrique et se comportent souvent comme des « ennemis » du développement de leur continent. Ces derniers peuvent se justifier par le manque de volonté de la classe dirigeante africaine d’impulser le progrès en Afrique. Seulement, cette raison n’est pas suffisante pour que la diaspora africaine tourne définitivement le regard ailleurs que vers l’Afrique.
Les intellectuels chinois et indiens de la diaspora sont au cœur des mutations profondes de la République de Chine et de l’Inde. Le développement spectaculaire du Japon a été possible grâce à l’implication de la diaspora de l’empire du soleil levant. L’exemple le plus spectaculaire de l’importance et de l’influence de la diaspora vient de l’État d’Israël. La diaspora juive à travers le monde joue un rôle non négligeable dans la puissance de ce petit État du Proche-Orient. C’est ainsi que l’American Israël Public Affairs Committee (AIPAC) aux États-Unis influencerait même le Congrès à travers ses contributions de campagne. Pendant ce temps, le Washington Institute for Near East Policy (WINEP) aurait une forte influence sur les médias et le pouvoir exécutif sur la politique des États-Unis envers l’État hébreux. Les dirigeants africains doivent s’en inspirer pour donner une place honorable à la diaspora. Cette politique a pour avantage, de favoriser le lobbying de cette élite africaine auprès des pays d’adoption et d’autres cercles de pouvoir en Occident. Le développement de l’Afrique passera nécessairement par cette vision géopolitique et géoéconomique de la marche des affaires du monde.
Le sociologue allemand Ulrich Beck de l’université de Munich, le père du concept de la modernité réflexive, c’est-à-dire la remise en question d’une société par elle-même à travers les risques qu’elle provoque, nous invite à mesurer les conséquences de nos actes ou des décisions que nous prenons sur la société d’aujourd’hui et de demain. Les élites africaines qui prennent l’option de ne pas œuvrer pour le développement de l’Afrique se font du tort à elles-même, à leurs enfants et petits enfants ainsi qu’à l’Afrique dans son ensemble.
Soucieux de voir l’Afrique sortir de ce que j’appelle le labyrinthe de la néguentropie pour emprunter résolument, dans les prochaines décennies, sa marche du développement, il est désormais nécessaire, pour la classe politique africaine, de favoriser le retour et l’investissement de sa diaspora ainsi que l’apport intellectuel de cette matière grise africaine sur la problématique du sous-développement de l’Afrique.
C’est ce que pense le Professeur canadien d’origine haïtienne Samuel Pierre. De réputation internationale, il est membre de l’Académie canadienne du génie et titulaire de la Chaire des télécommunications de nouvelle génération de l’École polytechnique de Montréal. C’est l’unique Chaire de recherche dans son domaine au Québec et dans tout le Canada. Ce dernier pense que Haïti, c’est l’Afrique en exil. Raison pour laquelle, c’est un devoir pour lui de participer pleinement à l’émergence d’une Afrique riche et prospère. Ensuite, il suggère que les Chefs d’État de notre continent doivent même favoriser l’obtention d’un passeport africain aux Caraïbéens qui le sollicitent. Parce qu’ils n’ont jamais fait le choix de naître loin du continent de leur origine.
Pour le Pr. Samuel Pierre, l’Afrique n’est pas condamnée au sous-développement car elle a d’énormes ressources naturelles et humaines qui conditionnent la prospérité et le progrès des pays développés. De nombreux exemples prouvent qu’on peut sortir de la pauvreté sans avoir d’énormes ressources du sol. Le Japon est un exemple qui indique que la force du développement, c’est avant tout la ressource humaine. Le Japon est un territoire de 80% de montagnes inadéquat pour l’agriculture et l’élevage. Mais, il n’en demeure pas moins vrai que c’est la seconde économie du monde. Grâce au savoir-faire japonais, ce pays est devenu une vaste usine flottante important des matières premières de la terre entière et exportant des produits manufacturiers. La Suisse vend les meilleurs chocolats du monde sans être producteur de Cacao et la Hollande est la Mecque absolue de l’agriculture depuis le 17ème siècle. Toute réussite est fonction de la volonté et de la détermination.
La couleur de la peau et la race n’ont aucune importance dans le développement. Parce que l’immigrant africain taxé de paresseux dans le pays d’origine est la force productrice dans les pays occidentaux. La différence entre les pays riches et pauvres réside dans le comportement des gens, façonné pendant des décennies.
La diaspora africaine doit aider à promouvoir l’éthique, l’intégrité, la responsabilité, le respect des lois et règles, le respect des droits des autres citoyens, l’amour du travail, l’effort d’apprendre et l’investissement en Afrique, la volonté de bien faire, la ponctualité, l’amour pour son continent et la volonté de vivre en paix. Autant de principes qui font la différence entre l’Afrique et les pays développés ou en voie de développement d’Asie du Sud-Est ou d’Amérique latine. Cependant, les efforts de la diaspora ne peuvent véritablement avoir d’impact en Afrique que si nos Chefs d’État, sur le continent, favorisent le dialogue et une volonté réelle de changer leur société. Seulement, c’est avec un vrai regret que nous constatons qu’un Président comme Paul Biya du Cameroun boude sa diaspora et néglige les Camerounais de l’étranger. Tout récemment à Québec au Canada, lors du sommet de la Francophonie, le Chef de l’État Paul Biya a évité la diaspora camerounaise à l’aéroport Jean Lesage venue pacifiquement l’accueillir. Comme si cela n’était pas assez, pour prouver son désintérêt voire son mépris pour la diaspora camerounaise venue de tout le Canada, M.Paul Biya filait à l’anglaise pour la Suisse. Pourtant, les Camerounais du Canada s’étaient déplacés à Montréal pour la soirée avec le Président Paul Biya. Il faut rappeler que son dernier voyage au Canada remonte à 1986 soit à 22ans. Le Président Paul Biya a été le seul Chef d’État africain ayant pris part au sommet de la Francophonie à ne pas rencontrer sa communauté. Est-ce parce que la diaspora camerounaise a été privée par le pouvoir en place à Yaoundé du droit de vote pour les élections au Cameroun ? Raison pour laquelle, le locataire du palais d’Étoudi accorde peu d’importance, voire un mépris affiché, à la diaspora camerounaise. Certainement parce que ces derniers ne peuvent pas influencer le jeu politique dans le pays.
Au Mali, le Président Amadou Toumani Touré porte une grande considération pour sa diaspora. En effet, cette diaspora représente un acteur économique majeur et incontournable et peut influencer les élections dans ce pays. Au Cameroun, la double nationalité n’est pas reconnue pour éviter l’élection des Camerounais de l’étranger généralement considérés comme des opposants au pouvoir en place.
Je formule le vœu que l’Afrique se bâtisse et bâtisse son rayonnement planétaire et sa prospérité économique, par et avec des Africains du terroir et de la diaspora ouverts à la différence, sensibles à la diversité et au respect mutuel de l’héritage historique et culturel de l’Afrique, mais aussi poreux à l’apport remarquable de tous les souffles du monde. C’est l’épine dorsale de ce continent arc-en-ciel et multiculturel dans ce troisième millénaire. Millénaire ou plus que par le passé, l’idée, l’effort, l’innovation, le rêve du progrès et la culture font la puissance mystérieuse de l’immortalité. C’est certainement la voie royale, enviable et honorable de l’Afrique dans ce village global du sociologue Marshall Mc Luhan. Tout ceci peut paraître utopique voire fantasmagorique. Mais, il suffit que nous manifestions individuellement et collectivement la volonté pour relever le défi du développement de notre continent. C’est sur cette base que les prochaines générations d’africains vont évaluer notre souci de leur léguer un héritage sain et durable.
La diaspora africaine ne doit pas se soustraire à cet objectif qui fait la fierté et le respect des autres citoyens des pays riches ou émergents partout où ils peuvent se retrouver dans ce monde. Mais les élites dirigeantes africaines doivent manifester la volonté et œuvrer pour attirer cette matière grise qui peut constituer un meilleur espoir pour le développement de l’Afrique.| Ferdinand Mayega
