
21/09/2025
Aujourd’hui, c’est la fête de mon père, Gilles Roux. Mon père-phare. « Mapa », comme je le surnommais enfant.
Il faut dire que c’était un modèle de père avant-gardiste. Il changeait les couches et me portait dans le porte-bébé en avant de lui, comme un kangourou. Il cuisinait autant que ma mère. Chacun avait ses spécialités. Mon père avait notamment hérité du département des pâtisseries. J’ai appris la cuisine beaucoup en étant son assistante pour brasser les mélanges de galettes et de gâteaux. Lui faisait le brassage final avec son bras de joueur de baseball!
Mon père me racontait des histoires inventées, chaque soir, pour m’endormir. Des histoires avec de beaux personnages inspirants : il y avait l’histoire de Bibi l’out**de et de sa migration (une série de plusieurs épisodes), l’histoire de Geneviève la magicienne, celle d’une petite fille qui faisait un potager et ajoutait de nouveaux légumes chaque jour pour faire plaisir à différents animaux qui venaient aussi se nourrir dans sa cour. Et j’en passe!
Quand j’ai été ado, mon père m’a enseigné son métier, la photographie. Il avait son studio de photo sur le Boulevard des Forges à Trois-Rivières, Les Ateliers photographiques. Il y avait avec une chambre noire, un studio pour prendre des photos, une grande pièce pour faire l’encadrement et la sélection des photos. Mon père avait appris la menuiserie dans la boutique à bois de son père Camil et son studio était meublé à partir de ses propres créations.
Quand j’ai terminé le secondaire, mon premier travail étudiant a été à son studio, qui était à quelques minutes à pied du Cégep et de l’université. Durant ces quelques années à travailler au studio, en parallèle de mes études collégiales et universitaires, je faisais de tout : développer les négatifs, agrandir des photos, encadrement, archivage, assistante-photographe pour les mariages, assistante pour l’accrochage de photos quand mon père exposait, etc.
J’ai tant appris de ces moments père-fille… J’ai appris à créer, en ayant la confiance de mon père et sa supervision bienveillante. Mon père dit toujours que « Créer, c’est choisir ». J’ai appris à choisir. Choisir ma vie. Choisir d’aimer mon métier. Choisir d’aimer.
Le studio de photo de mon père était un lieu névralgique du monde artistique trifluvien. Des peintres, des poètes, des photographes et autres artistes y venaient pour utiliser son studio ou simplement pour échanger avec mon père sur l’art, sur la condition des artistes, sur la vie. Moi j’étais là et j’écoutais ces conversations d’adultes. C’était formateur et j’étais tellement fière d’être la fille de ce bel humain.
J’ai appris également, en côtoyant mon père au studio, sur la vie de travailleur autonome, d’entrepreneur. J’ai vu que ce n’était pas un chemin facile, oh! non, mais j’ai goûté aussi la liberté des horaires, la liberté des projets créatifs, la liberté dans la touche d’humanité, de générosité et de compassion que l’on met dans son entreprise.
Plus t**d, quand ma mère a été en fin de vie, mon père a déménagé son studio à la maison. C’était aussi le début de l’ère du numérique. J’ai vu mon père passer de la chambre noire à Photoshop, apprendre le montage vidéo par ordinateur et même y prendre goût. Il m’a appris cela aussi, les nouvelles techniques qu’il maîtrisait et comment s’adapter aux changements. Et je l’ai vu prendre soin de ma mère, à travers ce travail qu’il faisait maintenant à partir de la maison.
Durant les mêmes années, j’ai terminé mon doctorat en histoire, enceinte et avec un premier bébé. Une fois par semaine, mon père est venu jusqu’à Sorel s’occuper d’Antoine pendant que je terminais l’écriture de ma thèse. Il m’a encouragé et soutenu tout au long de ce projet et consolé dans les jours difficiles et dans le deuil de ma mère.
Après le décès de maman, il m’a dit un jour au téléphone : « Quand tu as besoin de me parler, tu m’appelles. Quand tu as besoin de parler à ta mère, tu m’appelles. » J’ai la chance d’avoir un « Mapa », qui continue de vieillir en beauté et en sagesse. Aujourd’hui, il a 20 ans de plus que ma mère avait quand elle s’est éteinte. Et il fait toujours de la photo chaque jour, du jardinage, une cuisine extraordinaire, de la menuiserie, de la lecture, en plus de prendre soin de ses amis, de sa famille et d’être un amoureux attentionné avec sa femme, Marie-Claude.
Je suis choyée d’avoir un père si inspirant, dans tellement de sphères de ma vie. ❤️