14/11/2025
[La mémoire au service des luttes.]
Il y a 20 ans déjà, le 27 octobre 2005, Zyed Benna et Bouna Traoré paix à leurs âmes étaient électrocutés dans l'enceinte d'un poste électrique à Clichy-sous-Bois alors qu'ils cherchaient à échapper à un contrôle de police.
Zyed est alors âgé de 17 ans et Bouna de 15 ans. Un troisième adolescent Muhittin Altun est blessé en se cachant lui aussi dans le poste.
Nous sommes alors en vacances d’automne, en plein Ramadan et il fait beau. Avec d’autres amis, les trois adolescents viennent de passer plusieurs heures à jouer au foot au stade de Livry-Gargan.
Peu après 17 heures une patrouille de la BAC s’arrête à proximité du groupe. Aussitôt les adolescents se mettent à courir.
Les médias dominants ont beaucoup glosé sur les raisons de cette fuite. Il faut ne pas connaître du tout le rapport de la police aux quartiers populaires pour être étonné de ce réflexe de fuite. Voici quelques témoignage recueillis par le journal Le Monde :
"Comment la police elle nous traite, les petits, ça les effraie", argumente Mehmet Dogan, le "cousin" de Muhittin. "Ils voient que les keufs ils nous tutoient, qu'ils nous vannent, qu'ils y vont au culot, à l'audace, qu'ils nous traitent d'espèces de kekes." En chœur, les petits assurent qu'on ne les aime pas. "Les policiers viennent du Raincy ou de Livry, là où il y a des Français. Quand ils viennent ici, ils nous disent : 'Mets-toi contre la voiture, bouffon', et après ils disent que c'est nous les malpolis. Même si on n'a rien, rien fait, ils nous traitent de petits pédés."
Une seconde équipe de policiers est prévenue par talkie-walkie et attend les adolescents en embuscade. Trois des jeunes, « le Noir, l’Arabe et le Turc » diront leurs amis plus chanceux, entrent dans l’enceinte de la centrale EDF pour se cacher.
«S’ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau», lâche alors un policier sur sa radio, sans pour autant prévenir les secours.
L’Inspection générale des services (IGS) dira plus t**d dans son rapport que si l’alerte avait été donnée à temps, EDF aurait pu intervenir un quart d’heure avant l’accident. La police des polices évoquait également «une légèreté et une distraction surprenante» pour qualifier le comportement des forces de l’ordre.
A 18 h 12, Bouna ou Zyed ont sans doute un geste maladroit. Un arc électrique se forme entre eux. Tous trois sont soulevés de terre par une décharge de 20 000 volts.
C’est le jeune Muhittin qui malgré ses graves brulures alerte les familles. Il s'agit d'un véritable assassinat par non assistance à personne en danger. Les jeunes des quartiers populaires réagissent avec colère à ces morts qui s’ajoutent à de nombreuses autres impunies.
Ce sont ainsi 400 quartiers qui se sont enflammés pendant 21 jours malgré l'état d'urgence décrété par le biais d'une loi coloniale le 8 novembre. Les cibles des révoltés parlent d'elles-mêmes : les forces de police spécialistes du contrôle au faciès, les transports publics symbole de la ségrégation, les zones franches symbole du chômage endémique et de la discrimination raciste et l'éducation nationale signifiant pour beaucoup les filières discriminantes.
Le 18 mai 2015 les deux policiers mis en examen sont relaxés définitivement. Encore une fois la vie des habitants des quartiers populaires et plus particulièrement des noirs et des arabes a été considérée comme ne comptant pas.
Zyed Benna et Bouna Traoré, on n'oublie pas
Pas de justice, Pas de paix.